Avec quel livre découvrir l’oeuvre d’un auteur ?

Avec quel livre découvrir l’oeuvre d’un auteur ? Je pense que c’est l’une des questions que l’on me pose le plus souvent, que ce soit sur le blog ou sur les réseaux sociaux. Il est toujours un peu intimidant de se trouver face à l’oeuvre, parfois conséquente, d’un auteur que l’on ne connait pas du tout, et souvent on tâtonne un peu pour tenter de déterminer quel serait LE livre parfait, celui qui permettra une introduction réussie dans l’univers d’un écrivain. Alors en toute humilité, voici quelques recommandations personnelles, concernant bien sûr uniquement des auteurs que je connais très bien. Il n’a pas toujours été facile de répondre à cette question, je me suis efforcée de distinguer entre le livre que je recommanderais réellement pour débuter et avoir un bon aperçu de ce que l’auteur peut proposer, et le livre qui a ma préférence dans l’oeuvre de l’auteur, car les deux  ne se rejoignent pas toujours systématiquement !

*
Classiques de la littérature anglaise
  • Les soeurs Brontë

J’inclus les trois soeurs Brontë dans une seule et même catégorie puisqu’Emily et Anne ont malheureusement moins écrit que Charlotte. Les Hauts de Hurlevent restera le seul roman d’Emily, et il demeure à ce jour pour moi le roman le plus extraordinaire que j’ai pu lire, absolument incomparable et unique. Anne est la moins connue des soeurs, bien qu’elle revienne peu à peu dans la lumière, et si vous souhaitez découvrir sa plume je ne peux que vous encourager à lire La dame du manoir de Wildfell Hall, un chef d’oeuvre encore bien trop oublié. L’histoire d’une femme, nouvelle venue dans une petite communauté, dont personne ne sait rien, jusqu’à ce que l’un de ses voisins, Gilbert, séduit par sa beauté et sa retenue, cherche à découvrir la vérité sur son mystérieux passé. Mêlant féminisme et une ambiance victorienne absolument parfaite, ce roman aborde des thématiques encore très actuelles, dans un récit superbement mené et servi par une plume superbe.

Concernant Charlotte Brontë cette fois, il n’y a pas véritablement à hésiter entre ses quatre romans lorsque l’on souhaite découvrir la romancière. Jane Eyre est incontournable, c’est le grand chef d’oeuvre de Charlotte Brontë, et s’il ne fallait en choisir qu’un ce serait bien évidemment celui-là. Néanmoins, je trouve dommage que les autres romans de la romancière soient aussi peu connus. Villette, et surtout Shirley, sont des merveilles et je ne peux que vous encourager à les lire également ! En tout cas, je sais que parfois il est tentant de découvrir un auteur avec son premier roman, mais je ne conseillerais pas d’appliquer cette méthode avec celui de Charlotte Brontë (bien qu’en réalité son premier roman ait été le dernier à être publié) : Le Professeur. Il est plus maladroit, le choix d’un narrateur masculin n’est pas très heureux, et l’histoire n’est pas à la hauteur des autres. Cela dit, même si commencer par ce roman donnerait une idée assez erronée du talent de Charlotte Brontë, j’ai toujours trouvé que les critiques envers ce roman étaient injustes, et qu’il a sa propre valeur, qui s’avère d’autant plus grande qu’on admire l’oeuvre de la romancière.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Charlotte Brontë, rendez-vous ici !

  • Thomas Hardy

Je résiste cette fois à la tentation de mettre en avant mon grand préféré, Les Forestiers, car il me semble vraiment que la meilleure introduction à l’oeuvre de Thomas Hardy serait plutôt Loin de la foule déchainée. L’héroïne, Bathseeba, y connait une ascension sociale fulgurante en héritant d’une immense propriété agricole. Elle va devoir s’imposer dans un monde d’hommes et gagner à la sueur de son front leur respect. C’est une femme courageuse, indépendante, et donc vraiment en avance sur son temps, ce qui en fait un roman d’un féminisme prononcé. Rapidement, elle va être courtisée par plusieurs hommes, mais orgueilleuse et vaniteuse, elle peinera à faire les bons choix concernant les hommes de sa vie, ce qui lui causera bien des infortunes.

Loin de la foule déchainée est parfait pour découvrir Hardy ; c’est selon moi son roman le plus facile d’accès car celui qui enthousiasme le plus les lecteurs.  En effet Bathseeba est une héroïne comme on aime en voir : indépendante, volontaire, passionnée ; et Gabriel Oak un personnage masculin infiniment romantique. En revanche, un avertissement me semble de mise : c’est loin d’être le roman le plus représentatif de l’auteur, ce qui peut susciter des étonnements, voire des déceptions, lorsqu’on aborde ses autres grands classiques tels Tess d’Urberville ou Jude l’Obscur par exemple. Thomas Hardy est connu pour ses romans foncièrement pessimistes (ou plutôt malheureusement fondamentalement réalistes), il est rare que les personnages obtiennent une jolie fin puisque bien souvent le destin s’obstine à se mettre en travers de leur route et de leurs désirs. Le romancier s’évertue à montrer le quotidien des populations rurales, sans rien omettre de leurs difficultés et de leurs tragédies. À mon sens, ses romans sont d’une sensibilité incomparable, et je n’ai jamais été déçue par la plume de Thomas Hardy, toujours magnifique et d’une grande richesse.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Thomas Hardy, rendez-vous ici !

  • Elizabeth Gaskell

La grande romancière victorienne peut intimider de prime abord, mais sa plume est superbe, et ses romans non seulement d’une grande finesse, mais aussi très engagés. Pour découvrir son oeuvre, je dois avouer qu’il est très difficile de choisir entre Nord et Sud, et Femmes et filles. qui sont pour moi deux romans absolument iconiques du talent d’Elizabeth Gaskell. Je trancherais sans doute pour Nord et Sud, qui représente la quintessence parfaite de l’oeuvre de la romancière : il s’agit de son second roman industriel, dans lequel elle dépeint sans fards les conditions de vie des ouvriers. Témoin de la misère social du Nord industriel, Elizabeth Gaskell n’aura en effet de cesse dans ses romans d’exprimer sa compassion envers les opprimés de la société victorienne : les ouvriers, victimes d’une société indifférente et de patrons abusifs, mais aussi les paysans (dans Les Amoureux de Sylvia particulièrement), ainsi que les femmes (comme l’illustrent en particulier Ruth et Mary Barton).

Dans Nord et Sud, l’héroïne, Margaret Hale, déracinée de son Sud natal en raison d’un cas de conscience de son père, pasteur, se retrouve confrontée à une nouvelle vie dans le Nord de l’Angleterre, à Milton, une ville industrielle, rude et sale. Les filatures de coton y sont en effet florissantes, et elle fait rapidement la connaissance d’un de leurs patrons, John Thornton. Tous deux ont des personnalités extrêmement antagonistes et ne se comprennent pas, malgré une attirance évidente. Elizabeth Gaskell confronte son héroïne à des réalités brutales et donne à son récit une épaisseur psychologique et sociale extraordinaire. S’affrontent ainsi métaphoriquement le Nord et le Sud au travers de Margaret et de Thornton, la vie paisible à la campagne face à l’industrialisation des villes et la misère sociale. Une fresque magnifique de l’Angleterre du XIXe siècle, et un véritable chef d’oeuvre.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans d’Elizabeth Gaskell, rendez-vous ici !

  • Elizabeth von Arnim

L’oeuvre d’Elizabeth von Arnim est si diversifiée qu’il est difficile de trancher en faveur d’un seul roman ! Grand nombre de ses écrits sont essentiellement autobiographiques (tels que Elizabeth et son jardin allemand ou L’Été solitaire par exemple, jusqu’à son autobiographie Tous les chiens de ma vie). Profondément malheureuse dans son mariage avec un comte prussien, elle traite énormément de la condition féminine, en particulier l’asservissement de la femme aux maris, pères, ou frères… Elle se rattache par ailleurs en partie à la littérature victorienne, avec des romans assez représentatifs de l’époque et de ce qui caractérisait ce courant littéraire, tout en étant résolument tournée vers le XXe siècle. C’est le cas de Père, de La Bienfaitrice, ou encore de Vera.

Il est difficile de trancher, mais je recommanderais sans doute la lecture de La Bienfaitrice en premier lieu, qui est une excellente clé d’entrée dans cette partie de l’oeuvre de la romancière. Dans ce roman, une jeune fille hérite à 25 ans d’un domaine en Allemagne. Heureuse d’être enfin délivrée de son frère et son épouse, elle décide de s’y installer, seule, et d’en faire un endroit destiné à accueillir des femmes, du même milieu qu’elle mais qui se sont, pour une raison ou une autre, retrouvées sans aucune ressource. Commence alors un parcours du combattant pour cette jeune femme qui va se trouver confrontée à l’hypocrisie et aux préjugés d’une société encore très réticente aux velléités d’indépendance féminine.

Par ailleurs, cela fait plusieurs années que je recommande également chaudement Avril enchantéqui est un véritable bijou, charmant, frais et drôle, et par là bien plus léger que d’autres romans d’Elizabeth von Arnim, dont l’oeuvre ne se caractérise pas toujours par l’humour, loin s’en faut.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans d’Elizabeth von Arnim, rendez-vous ici !

  • William Wilkie Collins

Wilkie Collins est une figure de la littérature victorienne, connu pour être le père du roman policier moderne. Pour se plonger dans son oeuvre, je recommanderais sans doute de commencer par son roman culte : La Dame en blanc. Dans ce roman, un jeune professeur de dessin vient d’être engagé pour donner des leçons à deux jeunes filles. Avant son départ, il croise sur la route une dame entièrement vêtue de blanc, qui lui demande de l’aide pour regagner Londres. Elle est étrange, apeurée, vulnérable, et comble des coïncidences, paraît connaitre la famille chez qui il s’apprête à se rendre. Ce qui pourrait n’être qu’une anecdote mystérieuse va le hanter jusque dans sa nouvelle vie, puisque l’une des deux soeurs dont il a la charge présente une ressemblance physique frappante, et aussi quelque peu dérangeante, avec la Dame en blanc. Ce ne sera que le premier mystère de ce qui va devenir une enquête passionnante, mêlant trahisons, vengeances et complots machiavéliques.

Cela étant, La Dame en blanc est tout de même un pavé, et pour ceux que cela pourrait décourager, je conseillerais volontiers L’hôtel hanté, qui est un petit livre, peut-être moins intimidant, moins connu mais tout aussi excellent pour découvrir Wilkie Collins sans s’engager trop. Il est plus court, et plus léger en termes d’intrigue également que La Dame en blanc, mais ça ne l’en rend que plus fluide et agréable, même si ce n’est sans doute pas le meilleur roman de l’auteur.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Wilkie Collins, rendez-vous ici !

  • Jane Austen

Il n’y a pas réellement à tergiverser, il me semble qu’Orgueil et Préjugés est bien évidemment la porte d’entrée royale pour découvrir Jane Austen : c’est son roman le plus universellement connu, et celui qui sans aucun doute vous fera définitivement basculer dans l’oeuvre de la romancière. Mais en réalité, ses romans sont si caractéristiques que n’importe lequel me parait être un bon choix ! Raison et sentiments, Emma, Mansfield Park, ou encore Persuasion qui personnellement est mon grand favori. Je pense que c’est dans ce dernier que l’on trouve les plus belles réflexions de Jane Austen sur l’amour, et l’héroïne est celle que j’ai trouvée la plus attachante, la plus réfléchie et émouvante dans le même temps. Jane Austen a un talent certain pour croquer la société anglaise de la fin du XVIIIe siècle, avec un thème récurrent : le mariage et la condition féminine. Pour servir sa critique sociale, elle manie merveilleusement l’ironie et l’humour, allant même parfois jusqu’à la parodie avec Northanger Abbey qui est drôlissime.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Jane Austen, rendez-vous ici ! 

  • Virginia Woolf

Virginia Woolf est sans doute l’une des romancières que l’on a le plus envie d’aborder tout en le redoutant, tant ses livres sont souvent décrits comme difficiles d’accès. C’est bien dommage parce qu’il s’agit non seulement d’une plume extraordinaire, mais aussi de pages d’une intelligence et d’une psychologie rares. Là encore, je recommanderais sans aucun doute de commencer par son chef d’oeuvre, son roman le plus universellement connu : Mrs Dalloway. C’est un très beau roman, assez court mais extrêmement profond, qui offre une réflexion sur l’individu et ses rapports à l’autre. Le récit se déroule sur une seule journée, et prend la forme d’un long monologue, passant, d’un personnage à un autre à mesure qu’ils se croisent, dans la rue, à une soirée…

Le seul conseil que je donnerais pour aborder ce roman est d’essayer de s’abandonner totalement au style de la romancière, de se laisser porter par cette technique chère à Virginia Woolf du « flux de conscience », dont la particularité est justement qu’il doit se lire tel qu’il est ressenti et pensé par le personnage. Tant pis si au début on bute un peu, si on a du mal à appréhender comment l’histoire se met en place, cela vient tout seul à mesure que le lecteur s’immerge dans ces réflexions offertes, dans un récit psychologique qui se déroule comme d’un seul souffle, tout en poésie et légèreté.

À côté de ses romans, l’oeuvre de Woolf est également constituée de nombreux essais, dont le plus connu, Une chambre à soi, est considéré comme une pierre angulaire de l’histoire du féminisme au XXe siècle. L’essai est assez court mais percutant et brillant, je ne peux que vous le recommander chaudement !

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Virginia Woolf, rendez-vous ici !

  • Rosamond Lehmann

J’ai découvert l’oeuvre de Rosamond Lehmann il y a finalement assez peu de temps, et je suis tombée sous le charme. Son oeuvre la plus connue est sans doute L’invitation à la valse, qui retrace les émois et les doutes d’une jeune fille de dix-sept ans à l’occasion de son premier bal. Cependant, personnellement je recommanderais certainement Poussière pour découvrir l’oeuvre de la romancière. J’ai rarement lu un roman ayant autant de charme mêlé à une certaine cruauté, et je n’oublierai pas de sitôt la splendeur de la plume de Rosamond Lehmann. Le roman s’ouvre au lendemain de la Première guerre mondiale ; et la jeune Judith a la joie de constater que la maison des voisins est à nouveau occupée : quatre garçons et une fille, avec lesquels elle a connu ces amitiés typiques de l’enfance. En attendant le retour de ces figures du passé, elle vogue entre souvenirs et fantasmes, attendant avec impatience de pouvoir se fondre à nouveau dans leur petit groupe. Judith est l’incarnation la plus parfaite de l’adolescence, cet adieu déchirant aux terres réconfortantes de l’enfance pour les rivages incertains du monde des adultes. Le roman, délicieusement désuet, donne à ses tergiversations amoureuses un doux parfum de chaude mélancolie, une profondeur inattendue. C’est magnifique, à lire absolument !

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Rosamond Lehmann, rendez-vous ici !

*
Autres classiques :
  • Stefan Zweig

L’écrivain viennois est extrêmement connu pour ses nouvelles, ainsi que ses biographies, et je crois qu’on peut affirmer qu’en choisissant n’importe lequel de ses écrits, on ne peut pas se tromper. Zweig détient le prodigieux talent de dépeindre les sentiments, révélant l’âme humaine et ses tourments avec une finesse et une émotion incomparables. Pour vous aider un peu à choisir, je me permets cette fois d’inclure pleinement ma subjectivité, et je recommanderais sans aucun doute mon grand coup de coeur, Lettre d’un inconnue, l’histoire d’un amour fou, dévastateur et déchirant, d’une femme pour un homme qui ne l’a jamais reconnue. Mais aussi Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, ou bien l’iconique et magistral Joueur d’échecs, absolument inoubliable, qui entraine le lecteur sur les bords de la folie.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Stefan Zweig, rendez-vous ici !

  • Edith Wharton

La question de savoir avec quel roman aborder l’oeuvre d’Edith Wharton est bien difficile, tant elle me parait hétéroclite. Ainsi je trouverais terriblement dommage de passer à côté du bijou qu’est Ethan Frome, mais pour autant ce petit roman est très loin d’être représentatif de l’oeuvre de la romancière, qui s’attache plutôt à décrire la haute société new-yorkaise et ses travers, en particulier les difficultés des femmes à y trouver leur place sans un beau mariage. Ainsi, bien que ma préférence aille à Chez les heureux du monde, je pense néanmoins qu’ Au temps de l’innocence, le plus classique de tous et celui qui a valu à la romancière un prix Pulitzer en 1920, soit le roman à recommander pour découvrir Edith Wharton.

Elle y dresse un portrait piquant et ironique de la haute société new-yorkaise, et dénonce son hypocrisie bien-pensante. Nous y suivons les hésitations de Newland Archer, un jeune homme de bonne famille, qui vient de se fiancer à May, une jeune fille de son milieu, douce et innocente, lorsqu’il fait la connaissance de la cousine de cette dernière Ellen Olenska. Celle-ci vient juste de rentrer d’Europe et elle est en disgrâce : on raconte qu’elle a quitté son mari volage pour un autre homme, avec lequel elle a vécu avant de rentrer à New-York. Newland la considère donc de prime abord avec un certain mépris. Par solidarité avec la famille de sa future femme, il décide néanmoins de montrer un front uni et d’aider à sa réhabilitation dans la bonne société. Mais au gré de leurs rencontres, il est frappé par son indépendance et par la fraîcheur de ses réflexions. May est innocente et modelée par sa famille, destinée à ne devenir que ce que sa mère était déjà avant elle, alors qu’Ellen est une jeune femme affranchie, fantasque, écoutant ses émotions plutôt que le « bon ton ». Il n’en faut pas plus pour que Newland soit séduit…

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans d’Edith Wharton, rendez-vous ici !

  • Henry James

Sans aucune hésitation, je vous conseillerais Portrait de femme ! Isabel Archer est une jeune fille américaine, orpheline et célibataire, pour laquelle sa tante se prend d’un intérêt aussi inattendu qu’inexpliqué. Elle prend sous son aile la jeune fille, décidée à la ramener en Angleterre puis voyager en sa compagnie à travers l’Europe. Isabel s’aperçoit rapidement de ses ravages sur la gent masculine, et si sa vanité en est flattée, elle est bien décidée à rester indépendante, faisant preuve d’un tempérament qui augure bien des choses… Ce roman est intemporel, et les sentiments qui s’y jouent sont universels. La psychologie des personnages frappe par sa justesse et sa subtilité : l’amour sous toutes ses formes, le devoir, l’honneur, la trahison, la duplicité… On ne peut que frémir devant l’incroyable enchaînement de circonstances qui échappent de plus en plus aux personnages, qui ne font que subir leur sort. Je ne vous cacherai pas que le style est extrêmement travaillé, et qu’il faut une certaine concentration à la lecture, mais ce chef d’oeuvre en vaut la peine.

En revanche, même s’il est assez connu car souvent adapté au cinéma, je ne recommanderais pas la lecture du Tour d’écrou pour se familiariser avec l’oeuvre de Henry James, pour la simple raison qu’il s’agit pour moi d’un roman vraiment à part, qui sort des codes propres au romancier (bien qu’on reconnaisse sa patte) pour s’adapter au genre très couru en Angleterre des histoires de fantômes. Je pense par ailleurs que ce roman est décevant si on ne connait pas auparavant le style du romancier, on s’attend à frissonner devant une histoire terrifiante, alors que Henry James profite du genre pour déployer une critique de la société, ce qui a de quoi désarçonner.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Henry James, rendez-vous ici !

  • Francis Scott Fitzgerald

Quand on pense à Francis Scott Fitzgerald, c’est généralement immédiatement Gatsby le magnifique qui vient à l’esprit. Pourtant je conseillerais davantage Tendre est la nuit à quelqu’un qui souhaiterait découvrir l’auteur américain. Le roman commence sous le soleil de la Riviera, où une jeune actrice, Rosemary, est fascinée par un couple aperçu sur la plage. Un couple solaire, formé par Dick et Nicole, et autour duquel le reste du monde semble graviter. Ils semblent très amoureux, ont de beaux enfants, de l’argent, et vivent grand train, allant de fête en fête. Entre la Riviera, Paris et la Suisse, Fitzgerald nous entraîne, dans ce roman largement autobiographique, sur les traces de ce couple bien plus complexe que ne le laissent présager les apparences. C’est un roman profondément mélancolique sur la période désenchantée de l’après-guerre, où l’on tentait d’oublier la boucherie de la première guerre mondiale en s’étourdissant de fêtes, d’alcool, et de dépenses extravagantes. Une surenchère et une arrogance qui masquent mal le profond mal-être d’une génération entière, la « génération perdue » dont faisait partie l’auteur, errant désespérément à travers l’Europe à la recherche de distraction et d’inspiration. C’est à mon sens le roman essentiel pour comprendre Fitzgerald et son oeuvre, le plus personnel, le plus abouti, le plus poignant.

Pour retrouver la chronique complète de Tendre est la nuit, rendez-vous ici !

*
Et pour finir, mes trois romancières contemporaines fétiches :
  • Daphné du Maurier

On ne présente plus Daphné du Maurier, mais là encore, son oeuvre est si hétéroclite qu’il est difficile de recommander un seul roman qui représenterait parfaitement le style de la romancière. Il y a notamment un gouffre entre d’un côté les romans d’influence gothique, porteurs d’une tension sourde tels que Rebecca, Ma cousine Rachel, ou L’auberge de la Jamaïque… ; et de l’autre, les romans sur lesquels souffle davantage l’amour de Daphné du Maurier pour la mer et les Cornouailles, telles que la magnifique saga familiale qui se déroule dans L’amour dans l’âme, ou l’histoire de pirate dans La crique du Français…  De même, il faudrait également traiter complètement à part ses recueils de nouvelles (Les Oiseaux, Pas après minuit…) brillants et dotés d’une ambiance bien spécifique. Quant au très original Le Bouc-émissaire, il est totalement inclassable !

Puisqu’il faut trancher et vous offrir UNE recommandation qui surpasse les autres, je choisirais sans aucun doute son grand chef d’oeuvre : Rebecca. Un thriller gothique incontournable, incroyablement bien écrit et terriblement bien ficelé, dont la splendide et intimidante demeure de Manderley est un personnage à part entière. La narratrice, une jeune fille manquant cruellement de confiance en elle, et extrêmement naïve, rencontre lors d’un voyage sur la Côte d’Azur le beau et élégant Maxim de Winter, un veuf dont la femme a tragiquement disparu en mer. Elle s’entiche bien sûr immédiatement de cet homme venu l’arracher à une vie bien peu palpitante et lui promettant monts et merveilles. Mais lorsqu’après leur mariage, Maxim l’emmène chez lui à Manderley, les complications surviennent. L’ancienne maîtresse des lieux, Rebecca, est omniprésente, faisant planer une ambiance mystérieuse et angoissante… Selon moi, ce roman est de loin le plus réussi de Daphné du Maurier, totalement iconique et indémodable.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Daphné du Maurier, rendez-vous ici !

  • Maggie O’Farrell

La romancière irlandaise est tout simplement une magicienne des mots, et j’ai adoré découvrir ses romans les uns après les autres, et observer l’évolution de son oeuvre. Il y a une différence palpable entre son premier roman, Quand tu es parti, extraordinairement émouvant mais également porteur des maladresses souvent inhérentes aux premières publications ; et ses deux derniers livres, tous deux absolument magistraux, Hamnet et I am I am I am, qui s’inscrivent dans un style radicalement différent du reste de l’oeuvre de la romancière, bien qu’on y retrouve toujours sa plume merveilleuse.

Bien évidemment, j’aurais tendance à vous recommander tous ses livres, bien que certains soient objectivement un peu moins réussis (je pense notamment à La distance entre nous, et à La maîtresse de mon amant). Cependant, il y en a un qui me semble parfait pour découvrir Maggie O’Farrell, et il s’agit d’Assez de bleu dans le ciel. Ce roman raconte l’histoire d’un couple original et tourmenté. Lui, américain, linguiste, brisé par un premier divorce et la perte de la garde de ses enfants, est parti en Irlande sur les traces des cendres de son grand-père. Elle est une célèbre actrice, fantasque, solaire, meurtrie, qui a décidé de disparaître avec son jeune fils du jour au lendemain, sans laisser de traces. Leurs blessures leur ont permis de se trouver, et de se construire une vie hors norme au fin fond du Donegal en Irlande. Pourtant, ce sont d’autres blessures qui vont malmener leur couple et introduire une distance qui n’existait pas jusqu’alors. C’est un roman extraordinairement touchant et humain, et vous ne pourrez plus quitter Maggie O’Farrell après l’avoir lu…!

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Maggie O’Farrell, rendez-vous ici !

  • Laura Kasischke

Quelques pages à peine et on sait que l’on se trouve dans un roman de Laura Kasischke. D’abord grâce à l’atmosphère qu’elle parvient à créer, sur laquelle plane une sourde angoisse et qui sollicite tous nos sens tant les odeurs, les sons, et les paysages sont décrits avec autant de réalisme que de poésie. Son oeuvre se caractérise aussi par des thèmes récurrents : l’adolescence, la mort, la féminité, l’obsession pour le corps et ses changements, la vie de banlieue un peu trop lisse… Le lecteur est tout à la fois gagné par le malaise au fur et à mesure que le récit progresse, et une fascination totale pour l’intrigue un peu glauque que Laura Kasischke maîtrise à la perfection de bout en bout. Surtout, on s’aperçoit peu à peu de la profondeur que revêtent en réalité ses récits, bien moins lisses qu’il n’y parait à la lecture des premières pages, et comportant des réflexions sur la société si justes qu’elles en sont dérangeantes. Parmi ses romans, il y en a qui m’ont plus ou moins convaincue, mais ils relèvent tellement tous du style de la romancière qu’il est difficile de trancher pour l’un en particulier.

Personnellement, j’ai découvert Laura Kasischke avec Rêves de garçons, et c’est une bonne immersion dans l’univers de l’écrivaine. Avec ce roman, on apprend à quel point Laura Kasischke aime piéger son lecteur. L’histoire commence en effet doucement : il s’agit de trois jeunes filles, en vacances dans un camp d’été de pom-pom girls, qui décide de s’échapper pour quelques heures et de se rendre près d’un lac pour nager. En chemin, elles croisent deux garçons, et leur destin, à elles et à eux, va chavirer. Ce qui s’annonçait comme un récit gentillet et anodin, laisse très vite place au malaise alors que certains détails dérangent et que l’intrigue prend une tournure beaucoup plus profonde, et plus noire aussi.

Je mentionnerais également celui qui est sans doute mon préféré, et dans lequel je trouve que le talent de Laura Kasischke s’exprime pleinement : Esprit d’hiver. Il s’agit d’un huis clos entre une mère et sa fille, qui se déroule sur une journée. Ce qui ressemble au départ à une simple matinée de préparatifs de Noël, devient au fur et à mesure des pages de plus en plus angoissant. Très vite l’atmosphère devient insaisissable et suffocante, jusqu’à une fin qui est une vraie gifle. Glaçant et impeccable de maîtrise dans le même temps.

Pour retrouver toutes les chroniques sur les romans de Laura Kasischke, rendez-vous ici !

*
J’espère que cet article vous aura aidé à trouver l’inspiration et donné envie de découvrir ces auteurs si vous ne les connaissiez pas !
Je vous souhaite de belles lectures !

11 commentaires sur “Avec quel livre découvrir l’oeuvre d’un auteur ?

  1. Merci pour cet article très complet , certains titres me sont chers , d’autres réveillent ma mémoire endormie et d’autres encore me donnent envie de les découvrir ou redécouvrir . …C’est un beau travail et je reviendrai y puiser des idées de lectures à conseiller et pour moi même aussi . Merci .

  2. Je découvre ton blog. Merci pour tous ces conseils, d’autant plus précieux que parfois, on peut « zapper » un auteur parce qu’on n’est pas convaincu par un de ses livres alors qu’on aurait trouvé un autre de ses livres génial!

  3. Super article hyper complet !
    Je reviendrai y piocher quelques conseils, tu es toujours ma référence en termes de classiques venus d’outre-Manche.

    En revanche c’est amusant, j’aurais beaucoup plus conseillé Gatsby que Tendre est la nuit pour Fitzgerald. J’ai adoré le premier il y a quelques années après avoir vu le film, et j’ai trainé le second que j’ai trouvé beaucoup trop lent (en plus de certains personnages détestables).

    1. Oui c’est ce que je disais, c’est souvent Gastby qui revient en premier, ce qui se comprend assez bien. Pourtant Tendre est la nuit est beaucoup plus emblématique de son auteur 😉

  4. Merci pour cette liste, j’ai tout pris en note ! Rien à voir mais est ce que par hasard tu saurais par quel livre commencer l’oeuvre de Joyce Carol Oates stp ?

Laisser un commentaire