
Résumé :
Quelques mois après la mort mystérieuse de Vera, Everard Wemys se remarie avec Lucy, de vingt ans sa cadette.
Mais le souvenir omniprésent de Vera, les doutes relatifs à sa mort (accident, suicide, voire crime ?) font planer sur le couple, qui s’est installé à la campagne, dans la grande maison où eut lieu le drame, une ombre noire que ni l’un ni l’autre ne parviendront à chasser.
Mon avis :
Tout dans la quatrième de couverture faisait penser à Rebecca de Daphné du Maurier, que j’avais adoré. Un veuf dont la femme a tragiquement disparu, qui se remarie avec une jeune fille un peu godiche et naïve, pour s’installer ensemble dans la maison où la première épouse a vécu. Pourtant les similarités s’arrêtent là. Je m’attendais à une atmosphère assez proche du roman de Daphné du Maurier, où l’ombre de Vera planerait constamment sur les nouveaux mariés. Le titre lui-même le laisse présager. Mais si elle est évoquée, ce n’est pas du tout de la même manière que Rebecca, bien qu’on puisse se demander dans quelle mesure Daphné du Maurier a pu s’inspirer de ce petit roman paru en 1921.
« L’herbe brûlée au sommet de la falaise, la route poussiéreuse qui passait au bout du jardin, la mer qui miroitait et les quelques nuages blancs qui traversaient le ciel, tout semblait accablé de chaleur et de silence, tout semblait immobile. »
La première partie du roman est à mon sens très lente. Lucy vient de perdre son père, et elle rencontre Everard Wemys, bien plus âgé qu’elle. Elle trouve un réconfort immédiat en sa compagnie, habituée qu’elle était à être prise en charge par un père, elle se réjouit de l’être à nouveau par un homme. Au début, Everard parait charmant même si son intérêt pour Lucy est curieux. Même dans les souvenirs qu’il évoque de sa femme (décédée il y a une semaine à peine…), il parait très centré sur le tort que cela lui cause à lui, montrant peu d’empathie envers Vera. La thèse avancée dans la presse du suicide l’a davantage ennuyé que vraiment attristé.
Lucy et Everard tombent amoureux, sous les yeux d’abord aveugles de la tante de Lucy, Mrs Entwhistle. En effet, le couple s’est fiancé secrètement, sur l’insistance d’Everard (deux semaines après la mort de sa femme…). Le récit de cette période est vraiment longuet, mais intéressant quant à la perception que le lecteur commence à se former d’Everard. Il est pressant, bêtifiant, possessif, et manipulateur. Il fait une scène de tous les diables lorsque Lucy et sa tante refusent de passer Noël dans sa maison de campagne, « Les Saules », où Vera est décédée. De plus en plus étrange, et de quoi faire fuir une jeune fille saine d’esprit, ou du moins peut-être plus entourée. Lucy quant à elle, est depuis le début une très jeune fille extrêmement influençable et naïve. On s’interroge même un peu sur son intelligence lorsqu’elle se pâme devant Everard dont elle comprend tout ce qu’il dit, alors qu’elle a du mal à suivre la conversation d’autres hommes (à commencer par son propre père qui devait tout lui expliquer). Je ne suis pas sûre que ce soit là un grand compliment pour son futur époux…
« Les virgules dont il ponctuait ses propos, quand ils avaient le bonheur d’être seuls, lui étaient comme de tendres baisers posés sur ses paupières closes. »
J’ai beaucoup aimé en revanche le personnage de Mrs Entwhistle, la tante de Lucy. Sous le coup du chagrin, et trompée sur ses liens d’amitié avec son frère, elle apprécie dans un premier temps Everard. Mais le temps passant, elle est gênée de l’omniprésence de cet homme, qui les suit à Londres et s’invite régulièrement, et elle commence à s’interroger sur son comportement, sur son discours. Lorsqu’elle apprend les fiançailles, elle est horrifiée, mais fait pourtant de gros efforts pour accorder un peu de crédit à l’amour que sa nièce semble lui porter. Elle tente donc de s’en accommoder, et à tout moment dans le récit, elle tentera d’offrir son aide à Lucy.
Vient (enfin !) le mariage, qui a lieu dans la précipitation et en raison d’un caprice pur et simple d’Everard, que Lucy n’ose pas contredire. On commence alors à saisir pleinement dans quel piège Lucy s’est enfermée. Après un récit assez lent et s’étirant sur plusieurs mois, la seconde partie du roman va presque entièrement se dérouler sur une seule journée, le jour de leur retour de voyage de noces et de leur arrivée aux Saules. Si jusque là on aurait pu se croire un peu chez Jane Austen, le roman prend une tournure bien plus sombre. Everard est un homme tyrannique, intransigeant, égoïste, presque enfantin (son insistance sur son anniversaire est à peine croyable…) tant avec ses domestiques qu’avec sa femme, qui devient de plus en plus nerveuse.
« Elle tressaillait chaque fois qu’il lui arrivait de changer de ton. Aussi prudemment qu’elle essayât de comprendre ses réactions, il y en avait toujours une qu’elle n’avait pas prévue et à laquelle elle se heurtait. »
C’est un roman curieux, et si je n’ai pas eu de coup de coeur, j’ai tout de même apprécié la plume de l’auteure, ainsi que l’atmosphère qui se met peu à peu en place. Le lecteur s’interroge sur la nature d’Everard, ainsi que sur les véritables raisons du décès de Vera. On retrouve en creux dans ce roman d’Elizabeth von Arnim, comme chez certaines de ses contemporaines, une dénonciation de l’aveuglement et de l’innocence des jeunes filles ainsi que de la soumission des femmes dans le mariage, à la merci totale du despotisme d’un époux. La fin est abrupte et résonne comme une porte qu’Everard claquerait au nez du lecteur.
Ma note (3 / 5)
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