
Résumé :
Dorian Gray, jeune dandy séducteur et mondain, a fait ce voeu insensé : garder toujours l’éclat de sa beauté, tandis que le visage peint sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et de ses péchés. Et de fait, seul vieillit le portrait où se peint l’âme noire de Dorian qui, bien plus tard, dira au peintre : « Chacun de nous porte en soi le ciel et l’enfer. »
« Je suis jaloux du portrait que tu as peint de moi. Pourquoi gardera-t-il ce que je dois perdre ? Chaque instant qui passe me prend quelque chose pour le lui donner. Oh ! si seulement c’était le contraire ! Si le tableau pouvait changer tandis que je resterais ce que je suis ! »
Mon avis :
Enfin je me suis attaquée à ce grand classique de la littérature irlandaise, et le moins qu’on puisse dire c’est que je suis restée sur ma faim. Voilà, le jour terrible est arrivé où j’ai été déçue par un classique ET par la littérature irlandaise dans le même temps !
Il va sans dire qu’on ne peut que reconnaître que c’est magnifiquement écrit, le style d’Oscar Wilde est précis, léché, travaillé, et on se perd dans des phrases plus belles les unes que les autres. L’histoire aussi est originale, avec ce petit côté fantastique qui a priori avait tout pour me plaire. Dorian Gray est au début du roman un jeune dandy londonien, timide, désarmé, qui fait la connaissance de deux hommes, deux opposés : le peintre Basil Hallward et le mondain Lord Henry. Basil fait figure de bonne influence, il célèbre l’art, la bonté, et nourrit des sentiments quasiment amoureux envers Dorian Gray, qui devient son modèle le plus parfait, celui avec lequel il atteint le sommet de son art. Lord Henry, lui, est le mauvais génie, celui qui va tenir des discours destinés à impressionner un jeune esprit, et qui vont dévoyer Dorian, le détourner du chemin de la morale. Tout se cristallise dans cette première scène au début du roman, où les trois hommes se trouvent réunis dans l’atelier du peintre. Le portrait de Dorian Gray est achevé, et l’homme sur le tableau est l’incarnation de la beauté et de la jeunesse. Dorian Gray fait alors un voeu funeste : si seulement seul le Portrait pouvait vieillir, tandis que lui resterait jeune, beau et insouciant. Un jour, après avoir agi cruellement, il s’aperçoit que le Portrait a changé. C’est infime, mais il y a une lueur différente dans les yeux, un pli adopté par la bouche. Dorian réalise que son souhait s’est réalisé : lui demeurera affranchi des prises du temps, tandis que le tableau reflétera, les années passant, les tourments de son âme égarée.
« Ce portrait serait pour lui le plus magique des miroirs. Comme il lui avait révélé son corps, il lui révélerait son âme. Et quand l’hiver s’en emparerait, lui se tiendrait encore là où le printemps frémit à l’entrée de l’été. Le sang quitterait le visage du portrait, ne laissant qu’un blafard masque de craie aux yeux plombés, mais lui garderait tout l’éclat de la juvénilité. »
L’histoire est donc intéressante, en particulier par tout ce qui est sous-tendu. Oscar Wilde se déchaîne dans ce roman contre la haute société londonienne, bien née, bien privilégiée, et tellement désoeuvrée qu’il ne reste plus que de la place pour la vanité. Les femmes sont particulièrement visées, et certains passages contiennent des charges si violentes et si misogynes qu’ils en deviennent vraiment déplaisants. Mais les hommes ne sont pas en reste, et Lord Henry est la parfaite incarnation de ces hommes du monde ne faisant rien de leur journée sauf deviser sur le cours d’une existence creuse et faite de mondanités. Dorian Gray quant à lui, totalement modelé par Lord Henry, devient peu à peu l’être le plus vil qu’il soit, s’abaissant à toutes les immoralités, mais présentant toujours à la face du monde un visage de jeunesse et d’innocence. On comprend que ce roman ait provoqué un tel scandale à l’époque, considéré comme une ode à la débauche. Néanmoins, il faut certainement y voir au contraire une critique acerbe, presque pince-sans-rire tant on ne sait pas parfois si Oscar Wilde ironise ou non.
« Sa beauté n’avait été pour lui qu’un masque, sa jeunesse qu’une dérision. Dans le meilleur des cas, qu’est-ce que la jeunesse ? Un temps vert, sans maturité, un temps d’humeurs superficielles et de pensées maladives. Pourquoi en avait-il porté la livrée ? C’était sa jeunesse qui l’avait abîmé. »
Il y a tous les éléments d’un grand classique et pourtant, par moments, quel ennui…! Les longues diatribes de Lord Henry m’ont parfois réellement assommée, et j’ai trouvé ça inutilement compliqué et nébuleux. Il y a des ressemblances avec certaines nouvelles fantastiques de Maupassant, mais sans leur vivacité et leur rythme, ni cette maîtrise du doute, puis de la terreur panique que l’écrivain français sait insuffler à son lecteur. Les dernières pages, ont pour moi un peu rattrapé la donne et m’ont paru plus réussies, avec une chute efficace et glaçante.
Ma note (3 / 5)
Éditions Le Livre de Poche, traduit par Vladimir Volkoff, 19 décembre 1972, 285 pages
C’est un de mes romans préférés que j’ai découvert adolescente et que j’ai relu régulièrement! D’ailleurs je crois que j’ai à peu près tout lu d’Oscar Wilde! J’aime beaucoup ses nouvelles (Le fantôme de Canterville etc…) et ses pièces de théâtre (j’adore L’importance d’être Constant!). Pour ma part, tout m’a enthousiasmé du début à la fin et j’ai beaucoup aimé le mélange fantastique et la critique de la société. Etant complètement sous le charme du concept du roman, il se pourrait que je ne sois pas 100% objective!
Très jolie photo!