
Résumé :
Dans une petite ville d’Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche.
« Les moqueurs ne font rien d’autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. »
Mon avis :
Ce roman, qui a remporté le prix Pulitzer en 1961, a été une énorme claque, je ne regrette pas une seconde d’avoir rattrapé mon retard sur les « classiques » américains avec le thème du Livres et Parlotte de mai ! Que de regrets en refermant ces pages et en quittant Scout, cette petite fille si drôle et attachante… J’ai adoré son récit, son regard sur le monde qui l’entoure, sur les adultes, sur l’enfance, sur la vie. C’est d’une fraîcheur et d’une innocence folle, et c’est ce qui le rend si émouvant. Jusqu’au titre, qui me paraissait mystérieux, et qui prend tout son sens à la lecture. Il y aurait énormément de choses à dire sur ce roman extrêmement dense malgré les apparences, et je vais me contenter pour ne pas être trop rébarbative de livrer mes impressions.
« Il y a des gens qui sont si préoccupés par l’autre monde qu’ils n’ont jamais appris à vivre dans celui-ci. »
Alabama dans les années 30. Scout vit avec son frère Jem, son père Atticus, un avocat respecté par ses voisins, et Calpurnia, leur domestique noire qui représente une figure maternelle très forte pour les enfants. La petite fille est un peu garçon manqué, elle met des salopettes, monte aux arbres, et joue avec les garçons, au grand désespoir de sa tante Alexandra qui souhaiterait faire d’elle une dame. Mais Scout est rebutée par l’hypocrisie et les manières des femmes qui viennent parfois chez elle prendre le goûter et qui la regardent de haut. Elle préfère suivre son frère Jem, et leur nouvel ami Dill, dans des expéditions. La première d’entre elles consiste à aller frapper à la porte de Boo Radley, leur voisin. On dit qu’il vit reclus chez lui et qu’il est bizarre, les enfants du voisinage ont peur de lui…
« – Comment ont-ils pu faire ça, comment ont-ils pu ?
– Je ne sais pas, mais c’est ainsi. Ce n’est ni la première ni la dernière fois, et j’ai l’impression que quand ils font ça, cela ne fait pleurer que les enfants. »
Leurs jeux d’enfants sont contrariés par l’atmosphère de la ville. On leur fait des remarques désagréables et qu’ils ne comprennent pas sur leur père, parce qu’il est chargé de défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. Cette affaire va cristalliser toute la dynamique de la ville, et profondément changer la vie de Scout et Jem. J’ai trouvé que la façon de décrire l’enfance était particulièrement juste, en tant que lecteur on comprend beaucoup plus la véritable teneur des événements que Scout, mais c’est son ingénuité, en contraste avec le racisme ambiant des habitants, qui rend le récit aussi touchant. À mon sens la grande réussite du roman sur la forme est ce merveilleux triangle entre le père et ses deux enfants, et la façon dont chacun d’eux réagit aux autres. Atticus, parfois découragé mais fort de ses principes et qui tente de les inculquer à ses jeunes enfants, à qui il laisse une relative liberté, tant de mouvement que d’esprit, pour apprendre les choses de la vie. Scout, un peu sauvage mais très intelligente pour son jeune âge, dont l’innocence parfois sauve bien des situations. Elle a une appréhension intuitive des choses et du monde des adultes, et se rebelle contre certains préjugés qu’on cherche à lui imposer et que sa candeur l’empêche de comprendre. Jem, plus âgé, est davantage conscient de ce qui se joue avec ce procès. Il tente par tous les moyens à son niveau de défendre son père, de protéger sa petite soeur, et de démêler des raisonnements inextricables pour son jeune entendement.
« Miss Jean Louise, vous ne vous rendez pas compte que votre papa est quelqu’un d’exceptionnel, il vous faudra des années pour en prendre conscience – vous n’avez pas encore assez d’expérience. Vous ne connaissez pas encore cette ville, mais il vous suffira de retourner au tribunal pour en avoir un aperçu. »
À ce triangle familial, vient s’ajouter toute une galerie de personnages qui donne au roman une épaisseur incroyable. À commencer par Calpurnia, domestique fidèle et inébranlable, critiquée par la tante de Scout mais dont personne dans la famille ne pourrait se passer. Avec elle, il y a aussi toute la communauté noire de la ville, celle qui est encore l’objet de la ségrégation et du racisme. Mentionnons également la tante Alexandra, sèche et froide, décontenancée par ces deux enfants si particuliers et libres, la voisine Miss Maudie, complice de bien des instants, et tous ces personnages : voisins, juge, policier, institutrice, fermier… qui construisent ce que représente la ville de Maycomb : ce qui se fait, ce qui se dit, ce qu’on attend de chacun d’entre eux. Car si le racisme est bien évidemment très présent, de manière plus générale le roman pointe du doigt les préjugés et une communauté qui reste cantonnée dans le passé et dans ses anciennes divisions : noirs et blancs, ceux de la campagne et ceux de la ville, riches et pauvres, instruits et ignorants… Boo Radley, l’ermite dont on parle dès le début, est la parfaite incarnation de l’esprit de ces petits villes, avec ses cancans et sa fâcheuse tendance à mettre au ban de la société ceux qui sortent un peu trop de la norme. Quant à Atticus, de plus en plus menacé au fil du roman, il va paradoxalement être à la fois considéré comme le sage de la ville, celui qui tente de faire valoir la justice et la démocratie ; et comme celui qui attire la honte sur sa famille et sa communauté en osant défendre un Noir.
« Avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu. »
Je ne peux que vous recommander ce roman exceptionnel, extrêmement tendre, parfois drôle, parfois dramatique, et surtout d’une grande mélancolie. Un chef d’oeuvre universel et intemporel sur l’enfance et la tolérance.
Ma note (5 / 5)
Éditions Livre de Poche, traduit par Isabelle Stoïanov, 23 août 2006, 320 pages
Je suis du même avis ! J’ai adoré ce roman. Je te suis depuis quelques temps et tu me donnes des idées de lecture, aurais des idées de livres écris par des écrivaines françaises contemporaines ? Je lis actuellement Céline Minard dont l’univers est à part de ce que je connais.
Il y en a certainement beaucoup, mais je pense que je lis trop peu de littérature française contemporaine pour pouvoir vraiment t’aiguiller…