
Résumé :
Orpheline et pauvre, Mary Yellan n’a pas d’autre ressource que de quitter le pays de son enfance pour aller vivre chez sa tante, mariée à un aubergiste, sur une côte désolée de l’Atlantique. Dès son arrivée à l’Auberge de la Jamaïque, Mary soupçonne de terrifiants mystères. Cette tante qu’elle a connue jeune et gaie n’est plus qu’une malheureuse, terrorisée par Joss, son époux, un ivrogne menaçant…
Mon avis :
Lors de notre voyage en Cornouailles, j’ai emporté ce roman, et j’ai adoré pouvoir me rendre dans les endroits qui y sont mentionnés : Bodmin, Truro, et surtout l’Auberge de la Jamaïque elle-même, bien qu’elle soit moins effrayante aujourd’hui qu’elle ne l’était pour Mary.
« Ici, sur le sommet, le vent s’agitait et pleurait avec des murmures de craintes, sanglotait à de vieux souvenirs de sang versé et de désespoir. »
La lande tout d’abord, qui m’a tant fascinée lorsque je m’y trouvais, occupe une place centrale, ce qui rappelle curieusement un peu l’univers des soeurs Brontë. L’écriture de Daphné du Maurier nous propulse dans ce territoire désert, hostile et changeant, soumis aux éléments. J’ai tout de suite accroché avec l’atmosphère mystérieuse, le danger latent que l’on sent dans les premières pages, avec cet endroit perdu dans la lande, que personne n’ose approcher à tel point que les cochers se pressent de le dépasser, et cet oncle imposant, ivre la plupart du temps et menaçant. Quel est le mystère derrière cette auberge qui n’accueille jamais de voyageurs ? Pourquoi a-t-on conseillé à Mary de bien verrouiller sa porte lorsqu’elle entendra du monde approcher la nuit ? Daphné du Maurier nous mène par le bout du nez et met nos nerfs à rude épreuve, du moins pendant la première partie du roman.
« Il y a des choses qui se passent à la Jamaïque, Mary, que je n’ai jamais osé dire. Des choses affreuses. Des choses sinistres. Je ne pourrai jamais te les raconter. »
En effet, j’ai trouvé que l’intrigue s’essoufflait un peu au fur et à mesure. Le fameux mystère est dévoilé, poussivement, vers le milieu du roman, et malheureusement il m’a un peu déçue. Je m’attendais à bien pire et à bien plus complexe étant donné la lente montée du suspense qui précédait. Mis à part les dernières pages qui bousculent un peu plus le lecteur, j’ai un peu eu l’impression de tourner en rond, tout comme Mary, qui ne fait que tergiverser sur la conduite à tenir. Je ne sais pas trop quoi penser de ce personnage qui au premier abord était attachant, puisque c’est une jeune fille énergique, courageuse, intelligente, mais qui petit à petit oscille entre la terreur profonde et la légèreté d’un flirt. Pas très cohérent, d’autant plus que ses choix amoureux paraissent un peu incompréhensibles étant donné qu’elle condamnait le mariage irréfléchi de sa tante avec une brute… Elle se laisse séduire bien facilement pour quelqu’un qui aspirait à une vie d’homme, loin des frivolités féminines, et surtout loin d’une quelconque romance ou d’un mariage. Son aspiration consistait à retourner chez elle à Helford, reprendre sa ferme seule, et vivre de ses terres. De féministe elle devient envoûtée par le premier bad boy qui passe.
« Elle connut une fois de plus l’humiliation d’être une femme quand, brisée moralement et physiquement, son état fut admis comme une chose naturelle. »
C’est donc plutôt une petite déception par rapport à ce que j’attendais de ce roman. Un roman de Daphné du Maurier est toujours agréable à lire, mais ce n’est pas le plus réussi. La fin de L’Auberge de la Jamaïque est d’ailleurs bien décevante. En effet, le dénouement apparaît assez vite évident, et les dernières lignes sont assez banales, loin des retournements de situation qui m’avaient laissée pantoise lors de la lecture de Rebecca et de Ma cousine Rachel, qui restent pour l’instant à mon sens les meilleurs romans de l’auteur.
Ma note (3,5 / 5)