
Résumé :
Lorsque Grace Melbury revient dans le petit hameau boisé de Little Hintock, après ses études, son avenir est depuis longtemps tracé, déterminé par une promesse intérieure faite entre son père et celui de Giles Winterbone, décédé. Grace et Giles sont promis l’un à l’autre, ils se marieront. Mais Grace a grandi. Elle a découvert, hors des frontières de son village, une tout autre vie, d’autres rêves.
« Une grand-route abandonnée donne une impression de solitude bien plus intense que des vallons ou des collines, et elle exprime le silence du tombeau plus profondément qu’une clairière ou qu’un étang. Cela tient sans doute au contraste entre ce qui est et ce qui aurait pu être. »
Mon avis :
Gros coup de coeur pour ce roman de Thomas Hardy. Il est loin d’être le plus connu, pourtant il a, en ce qui me concerne, détrôné Loin de la foule déchaînée, tant je l’ai trouvé bouleversant.
J’ai été immédiatement transportée par l’atmosphère du roman, servie par de longues et magnifiques descriptions de la forêt, des arbres, et du cycle des saisons. Loin de me rebuter, j’ai beaucoup aimé ces passages, incroyablement bien écrits et qui enveloppent le lecteur dès les premières pages dans cette ambiance forestière si particulière. Pourtant, le récit est bien sombre puisque l’auteur s’évertue à ne rien épargner des malheurs du quotidien à ses personnages, y compris les plus secondaires, dotant ainsi son roman d’un grand réalisme. Il dépeint merveilleusement la société rurale, et fait de ces hommes qui vivent de l’exploitation du bois, profondément dévoués à leurs terres et à leur mode de vie malgré la rudesse de leur métier, des personnages extrêmement attachants.
« Quand les regards de la multitude viennent, tels des flots agités, frapper sans arrêt un visage, ils semblent lui enlever toute mobilité, mais dans les eaux calmes de la solitude, toute émotion, tout sentiment, s’exprime d’une façon si spontanée et si claire qu’on pourrait y lire comme dans un livre. »
On retrouve dans ce roman les thèmes chers à Thomas Hardy : la ruralité, les complexités du mariage et des hommes, la condition sociale de la femme… Cela se traduit également par certaines ressemblances chez les personnages, en particulier Giles Winterborne, qui n’est pas sans rappeler Gabriel Oak dans Loin de la foule déchainée. Il est honnête, droit, fidèle, et profondément épris de Grace malgré les tergiversations de la jeune femme. Mr Fitzpiers est quant à lui assez proche du sergent Troy par son inconstance et son mépris de l’institution du mariage. En revanche, les héroïnes des deux romans ne pourraient être plus différentes. Bathsheba était coquette mais indépendante et extrêmement moderne. Dans Les Forestiers, Grace est certes plus instruite que ses voisins à Little Hincock, mais elle est influençable, soumise, ce qui la rend moins attachante, même si elle fait preuve de plus de personnalité et de caractère dans la seconde partie du roman. Là où Bathsheba devait subir les choix qu’elle avait faits, Grace subit quant à elle les choix qu’on lui a dictés, et sa faiblesse devant les volontés de son père. L’une comme l’autre seront néanmoins tragiquement amenées à regretter ces décisions, qu’elles aient été influencées ou non.
Grace Melbury est la fille d’un marchand de bois qui, raillé dans sa jeunesse, s’était juré de donner une instruction qui placerait sa fille au-dessus de sa condition. Ce faisant, il n’a pas conscience qu’il la condamne à un entre-deux inconfortable : les gens du village lui paraissent un peu rustres, mais elle demeure une fille de paysan et sera donc toujours en-dessous des femmes « du monde », telle que la riche propriétaire terrienne qui habite le château voisin, Mrs Charmond. Néanmoins, l’aveuglement de Mr Melbury le conduit à souhaiter un grand mariage à sa fille, un mariage qui la hisserait dans la société. C’est ainsi que, reniant la promesse qu’il s’était faite de donner sa fille en mariage au fils de l’homme auquel il avait autrefois fait du tort, il la convainc, non sans peine, de renoncer à Giles et de chercher un parti plus intéressant. Un jeune médecin, Mr Fitzpiers, lui paraît faire bien mieux l’affaire. Mais de froids calculs ne suffisent pas toujours, loin s’en faut, à faire un mariage heureux, et il ne pourrait être plus aveugle à la vraie nature de sa fille. Grace est en effet très attachée à ses racines, et s’aperçoit après quelques temps qu’elle n’est pas si désireuse de changer de vie et de renoncer à ses promesses de jeunesse. Pourtant la volonté d’ascension sociale, le sens de l’honneur et des convenances vont malheureusement l’emporter sur l’amour et l’entraîner dans un drame sentimental inextricable.
« Pourquoi tant d’ambition ? Le secret du bonheur, c’est de savoir limiter ses désirs. »
Un roman superbe, empreint d’humanité et de tristesse, une nature profondément mélancolique, et la plume de Thomas Hardy, comme toujours, magnifique.
Ma note (5 / 5)
J’adore Thomas Hardy ♥ Je ne connaissais pas cet ouvrage là, mais je le note 🙂
J’ai commencé à lire Thomas Hardy assez récemment, et je ne me lasse pas de découvrir son oeuvre !