
Résumé :
L’histoire interdite est ici celle de Salomón, le frère de son père, qui se serait noyé, enfant, dans le lac Amatitlán. Et l’enquête familiale dans laquelle Eduardo Halfon nous entraîne est vertigineuse.
Mon avis :
Difficile de poser des mots sur ce roman, d’une densité rare en si peu de pages. Le récit s’ouvre avec le retour du narrateur dans la villa de son enfance, au Guatemala. Il cherche à percer le secret de l’histoire du petit garçon mort noyé dans le lac Amatitlán. Petit, on lui a raconté qu’il s’agissait du petit frère de son père, Salomón. Se mélangent alors ce retour sur sa terre natale, à la recherche de réponses, et des souvenirs épars, qui lui reviennent sur ses parents, ses grands-parents, son propre frère.
« J’aurais voulu lui demander quelle vérité, ou laquelle parmi toutes les vérités, ou la vérité de qui au juste. »
C’est une histoire de deuils, celui de son grand-père maternel pour les membres de sa famille morts pendant la guerre, celui de ses grand-parents paternels pour cet oncle qu’il n’aura jamais connu, celui de tous ces parents dont l’enfant est mort noyé dans le lac Amatitlán… Son propre deuil également puisqu’on comprend à demi-mot qu’il lui reste peu de famille, ce qui le conduira à se lancer dans cette enquête familiale, au Guatemala mais aussi en Pologne, sur les traces de sa propre histoire.
« La désinvolture de l’homme face à l’horreur m’a toujours davantage épouvanté que l’horreur elle-même. »
C’est également une histoire de mémoire ; la mémoire des morts, la mémoire de l’Histoire, la mémoire de sa famille, la mémoire du narrateur à laquelle il ne sait s’il doit entièrement se fier. D’où sort-il cette histoire d’enfant noyé dans le lac ? Toute son enfance, il a entendu sans comprendre sa famille parler de Salomón, s’accabler de reproches à propos de sa mort, sans pour autant que son nom ne soit jamais prononcé. Mais que lui est-il vraiment arrivé ? Salomón est devenu pour lui un fantôme qui a semé d’interrogations et de doutes son enfance. Car il a grandi dans une famille hantée par cette disparition, où régnait le tabou. Une béance qui l’a laissé avec un puzzle à reconstituer, des bribes d’informations, des éléments discordants, incomplets, qui le conduisent à chercher des réponses en tirant les fils de sa mémoire. Mais à quel moment la mémoire s’éloigne-t-elle de la réalité pour devenir de l’imagination ?
« Parfois j’ai l’impression que je suis capable de tout entendre, sauf le son de mon propre nom. »
C’est enfin une histoire d’identité, dans une famille qui a traversé les territoires et les cultures, et dont la richesse des origines semble perturber le narrateur : vient-on de l’endroit où l’on naît, ou de l’endroit où l’on grandit ? Peut-être simplement de l’endroit que l’on choisit. À travers cette enquête qu’il entreprend sur les traces du petit frère de son père, c’est en réalité sa propre quête identitaire qui se déroule.
Un joli roman, court, intime, très onirique, tout proche de la magie.
Ma note (4 / 5)