
Résumé :
Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d angoisse inexplicable. Rien n’est plus comme avant. Le blizzard s’est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant…
Mon avis :
Glaçant… C’est ce qui m’est immédiatement venu à l’esprit en refermant ce livre. Ce huis clos entre une mère et sa fille, qui ressemble au départ à une simple matinée de préparatifs de Noël, devient au fur et à mesure des pages de plus en plus angoissant. Difficile d’écrire sur ce roman sans en dire trop… Dès les premières lignes, on apprend que « quelque chose les avait suivies depuis la Russie ». Cette présence, récurrente dans le récit, insaisissable et suffocante donne le ton du roman, sans qu’on arrive à la comprendre.
« Parfois l’âme pouvait être derrière le corps, peut-être, mais parfois elle pouvait être à côté ou en dessous, ou au-dessus, mais oui, actuellement, elle se trouvait à l’intérieur. Un livre, par exemple, avait son âme dans le creux entre les deux pages du milieu. C’était typique des choses pliables. Comme les papillons qui avaient l’âme où leurs deux ailes se rejoignaient. »
Ce duel psychologique entre la mère et sa fille, dont on apprend qu’elle a été adoptée en Russie, pourrait ressembler à un banal affrontement typique de l’adolescence s’il n’y avait ce je ne sais quoi de troublant, d’oppressant, qui laisse penser que quelque chose ne tourne pas rond, ou qu’un drame est inévitable. Laura Kasischke écrit avec beaucoup de métaphores, multipliant les descriptions des sensations, rendant le récit à la fois plus beau et magnifiquement écrit, mais également angoissant.
« Personne ne naît sans héritage.
Comment avait-elle pu croire pendant toutes ces années, qu’il en était autrement?
Holly aurait dû savoir mieux que quiconque que les gènes sont le destin.
Que le passé réside en soi.
Qu’à moins de le trancher ou de se le faire amputer par opération chirurgicale, il vous suit jusqu’au jour de votre mort. »
L’action ne se déroule que sur une journée, qui parait trainer en longueur tant la sensation d’isolement est forte. D’autant plus que mère et fille sont désespérément seules : le père est bloqué ailleurs, une tempête s’est déclenchée, les invités font défection les uns après les autres, un numéro inconnu multiplie les appels… Le huis clos devient au fur et à mesure des pages de plus en plus oppressant, et on sent bien que rien ne se passe comme prévu… En parallèle de cette matinée d’hiver, récit nous est fait du voyage en Sibérie pour l’adoption de la fillette, avec de nombreuses descriptions de l’orphelinat et des conditions terribles dans lesquelles se trouvaient ces enfants délaissés.
La fin est une vraie gifle, dont on se remet difficilement même après avoir tourné la dernière page. J’ai eu beaucoup de mal à commencer un autre livre après celui-ci, tant j’avais été absorbée une nouvelle fois par l’univers de Laura Kasischke, dont les romans mêlent tous quelque peu l’inconscient et une certaine forme d’occulte. Cette romancière de génie reste décidément une de mes préférées.
Ma note (4,5 / 5)
2 commentaires sur “Esprit d’hiver – Laura Kasischke”