
Résumé :
Un Noël à la campagne dans le Gloucestershire. La perspective est séduisante pour un groupe de jeunes mondains, un peu las de la routine londonienne, qui décident de séjourner à proximité du domaine de Lady Bobbin et de ses enfants.
Mon avis :
Je suis mitigée sur ce roman, qui se veut une satire de la « haute » société anglaise des années 30. J’ai très vite eu l’impression de voir les personnages de la série Downton Abbey tournés en ridicule.
On s’aperçoit au cours du livre que le titre, « Christmas pudding », désigne la manie de Lady Bobbin de mélanger des traditions allemandes et des traditions anglaises pour Noël. Mais finalement le véritable Christmas pudding est ce mélange de personnages, tous d’un cynisme mordant et offrant un panorama de l’aristocratie certes peu flatteur, mais qui a fait son succès lors de la première parution du roman en 1932, jugé extrêmement comique à l’époque. Ce succès en lui-même est assez ironique lorsqu’on pense au personnage de Paul, l’écrivain maudit, dont le roman, qui se voulait tragique, fait l’unanimité de la critique pour son humour. Son amie Amabelle lui dit d’ailleurs « il n’est pas bon d’écrire sur la haute société si vous espérez être pris au sérieux ». Nancy Mitford a appliqué ce conseil au pied de la lettre.
Certains dialogues sont en effet férocement drôles, et seraient parfaitement adaptés au théâtre. Je pense notamment à un échange surréaliste au début du roman à propos d’un baptême.
« – A quand le baptême, Sally ?
– Eh bien, si la pauvre petite est encore parmi nous, nous avons songé à mardi en huit – cela vous convient-il ?- mais elle est terriblement malade aujourd’hui, elle fait sans cesse ce genre de bruits que fait Walter quand il a passé une nuit dehors, vous voyez.
– Croyez-vous qu’elle va survivre ? dit Paul. Parce que dans le doute, peut-être pourrais-je utiliser votre téléphone, Amabelle, et appeler le bijoutier pour voir s’il est encore temps d’interrompre la gravure de cette timbale. C’est un modèle très coûteux, et je ne veux pas dépenser d’argent en vain. »
De manière générale, les sentiments, filiaux ou amoureux, sont traités avec énormément de détachement. En outre, l’auteur en profite pour dénoncer le décalage entre cette aristocratie et la détresse sociale des « moins fortunés ». En témoigne le passage où Amabelle pense qu’une fermière, qu’elle estime extrêmement sale, lui a demandé du savon alors qu’elle souhaitait du bouillon. Ou encore la manière dont sont évoqués l’URSS et le bolchevisme. Ainsi l’un des jeunes gens, lors d’une soirée mondaine, dira à propos des camps de travail : « ils sont remarquables, merveilleux, un chef-d’oeuvre d’organisation. Une vie saine en plein air, pensez à ce que cela doit représenter pour ces employés qui vivent en ville (…) ».
La mort est étrangement traitée, comme un fait totalement accessoire et bien moins dramatique que leurs petites mésaventures matrimoniales ou encore artistiques. Aucune peur de la mort chez nos personnages donc, et ce n’est pas tant la perte d’un être aimé qui est crainte mais plutôt le tracas que cela pourrait occasionner, une femme devant ainsi trouver un « second mari » pour remplacer le premier. Idem pour les pères, qui tombent visiblement comme des mouches lorsqu’ils rendent visite à leurs fils en pensionnat, ce qui rend contrariant leur déplacement.
« Dans mon école privée, dit Walter, nous avions un petit cimetière très pratique pour les pères, juste derrière le terrain de cricket.
Naturellement, nous organisions une course des pères en trois manches qui finissait par les mettre au tapis. J’en ai même vu qui mouraient à la distribution des prix, du choc, je présume, de voir leurs fils recevoir un prix. »
Le roman est en outre un témoignage fidèle, à défaut d’être drôle, de la conception du mariage à l’époque : le mariage est avant tout destiné à procurer une situation et doit être envisagé avec pragmatisme. Cette position se trouvait déjà dans les romans de Jane Austen, dans lesquels néanmoins importance est accordée au romantisme ; les filles Bennett se marient pour avoir une situation, mais aussi et avant tout par amour.
« Quand j’étais jeune, dit Sally, je m’étais fixée un prix au delà duquel j’étais disposée à passer sur le caractère ennuyeux de quelqu’un. (…) Cependant, rien ne s’étant présentée qui dépassât douze mille livres, j’ai donc épousé Walter ».
Mais en dépit de quelques passages qui m’ont fait sourire, cette critique de l’aristocratie et de ses divers atermoiements, m’a laissé une impression en demi-teinte. J’ai trouvé non seulement qu’il ne se passait pas grand chose, l’intrigue étant totalement déstructurée, mais j’ai également été parfois un peu lassée par une drôlerie qui confine plutôt à l’absurde. Certains passages en sont lassants et transformeraient presque le roman en spectacle burlesque. Malgré tout, Christmas Pudding a l’avantage d’être une lecture légère et facile.
Ma note (3 / 5)