
– Je répondrai oui
– Alors je vais essayer de ne pas me tromper de question…
Résumé :
Emma, quarante ans, mariée, trois enfants, heureuse, croise le regard d’un homme dans une brasserie.
Aussitôt, elle sait.
Mon avis :
Voilà un roman qui coupe littéralement le souffle, je l’ai lu en à peine quelques heures, sans pouvoir m’arracher à sa lecture.
L’histoire semble simple : Emma, mariée, trois enfants, croise le regard d’un inconnu dans une brasserie, et tout bascule. Une histoire simple sur la puissance du désir, celui qui emporte tout sur son passage, y compris l’amour lui-même.
La première partie du roman m’a transportée. C’est à mon sens la plus intéressante, y compris par sa construction, avec ses chapitres à rebours, comme un lent décompte jusqu’à l’inévitable. L’écriture correspond en tout point à l’état d’esprit d’Emma, sa vie est totalement renversée par cette rencontre inattendue, et cela se retrouve jusque dans le style. J’étais fascinée par la description du chaos interne de cette femme pour qui tout change et la précision de l’écriture de Grégoire Delacourt, dont l’habileté à parler des femmes (bien qu’elle n’égale pas celle du maitre absolu en la matière qu’est Stefan Zweig…) est troublante. Mais j’étais aussi gênée par la facilité avec laquelle une vie apparemment bien rangée et heureuse peut basculer. Le titre fait alors tout son sens : elle danse au bord de l’abîme, basculera-t-elle dans l’inconnu avec les risques que cela suppose ? On sait très vite qu’elle choisira l’abîme, ce qui rend la lecture de ces premières pages un peu plus fascinante encore. On ne peut s’empêcher de penser : et si cela m’arrivait à moi ? Serai-je capable de tout quitter ? N’est-ce pas terriblement arrogant de penser que son couple à soi serait au-dessus de ce genre de situation ?
« On devrait toujours pouvoir se jeter dans le corps de l’autre. Foncer. S’y briser même. Savoir que l’autre ne vous lâchera plus jamais »
La troisième partie m’a bouleversée. Je ne veux pas en dévoiler trop, je me contenterai donc de dire que c’est extrêmement émouvant sans tomber dans le pathos, et que l’on approfondit encore davantage la personnalité d’Emma. J’émets en revanche plus de réserves sur la seconde partie du livre, qui sert à mes yeux surtout de transition entre les deux autres, et qui par là-même est un cran légèrement en-dessous.
J’ai adoré le parallèle fait par l’auteur entre la vie d’Emma et l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin, qui, comme elle finalement, quitte une jolie ferme bien douillette pour l’aventure de la forêt, au risque d’être mangée par le loup. Des extraits du conte sont ainsi semés au gré des pages, qui font dramatiquement écho à ce que traverse le personnage.
Entre les lignes, à peine abordés, il y a ces « lieux communs » que sont le poids d’une enfance avec une mère difficile et un père absent, le poids de certaines blessures (y compris celles infligées par les plus proches et par soi-même) qu’on n’avoue pas, l’équilibre instable entre la vie de mère, la vie d’épouse, et la vie de femme. Mais ces aspects sont traités si légèrement, si habilement, qu’ils contribuent à la beauté du récit. Et surtout on a le sentiment qu’ils n’ont pas tant eu un rôle à jouer dans son aventure, mais bien davantage au contraire dans l’impossibilité pour Emma de se libérer bien plus tôt d’une vie qui ne lui convenait plus.
« En cherchant l’origine de mes failles, je découvre avec amertume que nos souffrances ne sont jamais profondément enfouies, nos corps jamais assez vastes pour y enterrer toutes nos douleurs »
Ma note (5 / 5)
Vous l’avez lu ? Qu’en avez-vous pensé ?
Jolie chronique 🙂
Merci !