
On ne change pas les traditions sur ce blog ! Voici donc comme tous les ans, une petite sélection de romans pour vous accompagner durant l’automne. On y retrouve des romans à l’atmosphère gothique, des ambiances victoriennes, mais aussi de la littérature irlandaise, espagnole ou encore écossaise. Ils ont tous fait l’objet d’une chronique sur le blog, si vous voulez vous faire une idée plus précise. Pour plus d’inspiration vous pouvez aussi retrouver les sélections automnales des années précédentes : ici pour 2018, ici pour 2020, ici pour 2021, et ici pour 2022. Et si vous êtes à la recherche de lectures pour Halloween, vous pouvez également retrouver mes recommandations dans cet article !
Notre part de nuit – Mariana Enriquez
Commençons avec ce roman monstrueux, titanesque, semblable à nul autre ! Alternant les voix et les époques, de la pampa argentine à la fiévreuse Buenos Aires en passant par un Londres psychédélique, le roman se situe au parfait point d’équilibre entre beauté et horreur : 700 pages de gothique, de macabre, d’abomination, mais aussi d’amour, d’amitié, d’espoir et de courage. Le plus troublant est l’incursion du fantastique dans la terrible réalité de l’histoire nationale argentine, les crimes de cette famille au service des forces occultes se superposant à ceux d’une dictature régnant par la torture, les meurtres et les enlèvements. Ce mélange entre réalité et fiction, faits historiques et surnaturel, contribue à authentifier la peur, à lui donner une véracité qui coupe le souffle.
Chronique détaillée de Notre part de nuit à retrouver ici
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Tomás Nevinson – Javier Marías
Épiphanie 1997. Alors que Tomás Nevinson est rentré à Madrid après ses années d’espionnage au service de l’Angleterre, on lui demande d’accomplir une dernière mission : il devra s’installer dans une ville du nord-ouest de l’Espagne afin d’identifier, puis d’éliminer, parmi trois femmes suspectes, celle qui est en réalité une terroriste de l’ETA et de l’IRA. L’enquête de Tomás Nevinson va dès lors se doubler d’une quête existentielle à mesure que notre héros s’interroge sur le mal, la haine, le pardon, et l’amour… jusqu’au dilemme presque métaphysique : quelle est la limite entre le bien et le mal ? une vie compte-t-elle moins si on peut en sauver d’autres ? Un livre testament, d’une justesse, d’une beauté, et d’une exigence aussi il faut bien le dire, de plus en plus rares dans le panorama littéraire actuel. Il résonne dans ces pages l’écho de l’absence de ce grand auteur espagnol qui manquera tant à la littérature tandis que le héros se demande « quand le glas sonnera et que les stores se baisseront pour toujours »…
Chronique détaillée de Tomás Nevinson à retrouver ici
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Armadale – Wilkie Collins
Pas d’automne possible sans un bon Wilkie Collins ! Celui-ci est l’un des plus connu, à juste titre. Le romancier victorien brouille les pistes, multiplie les masques, et maîtrise le suspense comme personne. Ce roman monumental commence par l’expiation d’un mourant, décidé à terminer la rédaction d’une lettre destinée à son jeune fils, qui raconte le terrible crime qu’il a commis par vengeance, et comment il s’est trouvé portant le même nom qu’un autre petit garçon : Allan Armadale. Elle finit sur ces conseils : mettez les montagnes et les mers entre vous, changez de nom, ne rencontrez jamais cet homme de votre vie. Malheureusement et à leurs corps défendants, les deux jeunes hommes vont pourtant se rencontrer, à l’aube de leur vie adulte. Le reste n’est qu’une succession de rebondissements, d’amitié, d’amour et de tragédies intimes. Impossible de deviner comme cet imbroglio va finir, d’autant que les personnages sont extraordinairement dépeints, et bien plus complexes qu’il n’y parait.
Chronique détaillée d’Armadale à retrouver ici
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Corps et âme – Frank Conroy
New-York dans les années 1940. Né sans père, Claude Rawlings est un petit garçon chétif de six ans, qui reste enfermé des journées entières en attendant que sa mère, conductrice de taxi, rentre de son travail. Il observe les pieds des passants par le soupirail, se réfugie dans son imagination et ressent déjà profondément son immense solitude. Un jour il s’intéresse au piano droit de music-hall qui se trouve dans sa chambre, et découvre des partitions qu’il est déterminé à savoir déchiffrer. Il se tourne alors vers Mr Weisfeld, qui tient un magasin de musique, et qui sera le premier à s’apercevoir du talent inné de Claude. Il prend l’enfant sous son aile, lui donnant des cours, puis lui trouvant les meilleurs professeurs. Retraçant les pas de Claude de sa petite enfance esseulée et désoeuvrée, jusqu’au moment où il entre enfin dans la lumière, débutant une carrière phénoménale de pianiste virtuose, Corps et âme est le roman initiatique par essence, embrassant par ailleurs bien des sujets, tels la musique, la paternité, l’Histoire, et une société américaine en pleine mutation. Un très grand roman américain.
Chronique détaillée de Corps et âme à retrouver ici
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L’Autre – Thomas Tyron
Dans les années 1930, deux frères jumeaux de treize ans s’apprêtent à vivre un été caniculaire dans leur demeure familiale du Connecticut. Ils ont toujours été fusionnels malgré leurs différences : Niles est doux et sensible, tandis que Holland est colérique et imprévisible. Mais quelque chose semble avoir mis à mal leur relation. Les changements opérés chez les deux frères vont se révéler au grand jour, et l’engrenage des événements se dérouler d’une manière inexorable. Dans le bourdonnement faussement tranquille d’un été ensoleillé, les drames se nouent, l’inquiétude grandit, et le malaise s’installe, pour laisser la place à un thriller psychologique implacable, un vrai classique du genre, dérangeant et fascinant, dans la lignée des romans de Shirley Jackson.
Chronique détaillée de L’Autre à retrouver ici
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Proies – Andrée A. Michaud
Trois adolescents, Judith, Abigail et Alexandre, se préparent à vivre leur première grande aventure : partir camper seuls pendant cinq jours sur le bord de la rivière Brûlée. Ce qui s’annonçait comme quelques jours festifs et d’une camaraderie enjouée, va rapidement tourner au cauchemar. Très vite, ils ont l’impression d’être observés, puis traqués. Ce roman conjure les peurs de l’adolescence, les histoires de fantômes au coin du feu, les bruits de la forêt assimilés aux prédateurs, nourrissant les pires cauchemars avant de se confronter à la réelle folie meurtrière. Le malaise est d’autant plus grand que le récit est extrêmement lent à se dérouler, la plus grande partie se déroulant sur cinq jours à peine. Dans la lignée de Bondrée, Andrée A. Michaud signe un roman d’une noirceur étouffante, impossible à lâcher tant que le dénouement ne sera pas enfin apporté, quitte à y laisser quelques plumes au cours de la lecture.
Chronique détaillée de Proies à retrouver ici
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Et au milieu coule une rivière – Norman McLean
Quelque peu éclipsé par son adaptation cinématographique, ce roman bouleversant mérite d’être (re)découvert. Norman McLean y raconte sa famille et le Montana dans lequel il a grandi. Son père, pasteur presbytérien, accorde à la pêche la même importance qu’à son sacerdoce, et enseigne dès leur plus jeune âge à ses deux garçons cet art si délicat de la pêche à la mouche. Mais il raconte surtout le frère, Paul, ce cadet qui bientôt va dépasser l’aîné dans sa maîtrise de la canne, multipliant les exploits. Un frère solaire, bagarreur et irrésistible. Ode à la nature, c’est un roman sublime sur une relation fraternelle basée sur une passion commune élevée au rang de rituel et de mode de communication. Bouleversant.
Chronique détaillée d’Et au milieu coule une rivière à retrouver ici
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Les ravissements – Jan Carson
En 1993, les Troubles sont toujours omniprésents et forment une toile de fond angoissante, aussi tout le monde aspire-t-il à un été calme. Hannah, onze ans, est la fille unique d’une famille de protestants fondamentalistes et suit des règles qui l’isolent des enfants de son âge. Lorsque l’un de ses camarades d’école meurt d’une maladie mystérieuse et fulgurante, c’est le début d’une épidémie qui frappe un à un les enfants de la classe. La panique s’installe et les événements échappent à tout contrôle tandis qu’équipes scientifiques, journalistes et agents de la RUC envahissent les rues. Seule Hannah a l’air épargnée, mais elle cache un lourd secret : ses amis viennent tour à tour lui rendre visite après leur mort. Ils ont tous curieusement grandi, et prétendent vivre dans un Ballylack désert, sans règles, ni adultes. Avec une acuité dérangeante et un style empreint de réalisme magique, Jan Carson explore les complexités du traumatisme collectif sur une petite communauté dysfonctionnelle, campée sur ses valeurs conservatrices.
Chronique détaillée de Les ravissements à retrouver ici
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Mungo – Douglas Stuart
Après le succès de son premier roman Shuggie Bain, Douglas Stuart nous emmène à nouveau dans les rues de Glasgow, cette fois dans l’ère post-Thatcher du début des années 90. Son héros est un adolescent de quinze ans, Mungo, au visage angélique mais ravagé de tics nerveux. Dans ce monde où règne peu d’espoir et d’amour, Mungo fait la rencontre de James, un jeune catholique passionné par les pigeons, dont il tombe amoureux. Furieuse, sa mère, alcoolique et absente, décide d’envoyer son fils camper avec deux hommes rencontrés aux Alcooliques Anonymes. Ils ont promis de lui apprendre à pêcher, à faire du feu, bref à faire enfin de lui un homme, un vrai… Un roman social dur, très noir, poignant, qui rappelle toutes les dérives de la masculinité toxique et des cruautés qu’on fait subir aux jeunes garçons en son nom.
Chronique détaillée de Mungo à retrouver ici
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Patria – Fernando Aramburu
Dans un petit village basque où tout le monde se connait, vivent deux amies inséparables, Miren et Bittori, jusqu’à ce que l’ETA forme une brèche irréparable : le fils de Miren se laisse embrigader dans les rangs de l’organisation terroriste, tandis que le mari de Bittori fera partie des innombrables victimes. Des années plus tard, lorsque l’ETA annonce mettre fin à la lutte armée, Bittori décide de retourner au village, soulevant le voile du passé. Si le récit se nourrit de faits historiques réels, ils ne servent que de support aux méandres de cette poignée d’existences sur le fil qui se débattent aux temps terribles qui ont suivi la fin du franquisme et la montée de l’ETA. De l’amitié à la haine, de la vengeance au pardon, nos personnages nous livrent toutes leurs pensées, toutes leurs souffrances, toutes leurs hésitations, nous offrant un condensé d’humanité poignant. Un roman époustouflant.
Chronique détaillée de Patria à retrouver ici
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Replay – Ken Grimwood
18 octobre 1988. Jeff a quarante-trois ans lorsqu’il meurt brutalement d’une crise cardiaque. C’est la fin prématurée d’une existence morne et frustrante. Ou peut-être pas, puisque le voilà qui se réveille en 1963 sur le campus de son université, il a de nouveau dix-huit ans et l’avenir devant lui. Une fois le choc passé, que fait-on d’une telle opportunité, de cette occasion de recommencer sa vie ? Va-t-il revivre son existence à l’identique, ou bien profiter de ses souvenirs pour tenter de changer les choses, pour le meilleur ou pour le pire ? L’intrigue sort des sentiers battus, la narration est impeccablement maîtrisée, la plume travaillée, les personnages d’une grande justesse, le récit fourmillant de réflexions d’une grande intelligence, loin des clichés et des facilités. Replay est un roman dense et addictif, aussi intelligent que profondément bouleversant. Un roman qui rappelle la brièveté d’une existence certes émaillée de solitude, de regrets, et de pertes douloureuses, mais aussi de ces fulgurances de beauté, d’amour et de résilience.
Chronique détaillée de Replay à retrouver ici
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La Source vive – Ayn Rand
Un roman américain culte ! Dans le New-York des années 20-30 en pleine expansion architecturale, le lecteur suivra les deux trajectoires diamétralement opposées de deux hommes confrontés à la société et à ce qu’elle fera d’eux. Deux jeunes architectes quittent leur école ensemble : Peter Keating en sort avec les honneurs et entend « réussir » le plus vite possible, prêt à toutes les bassesses pour atteindre son but ; tandis que Howard Roark incarne la figure de l’artiste maudit, sans le sou et conspué par la critique, refusant la moindre compromission. Entre l’idéaliste et l’arriviste, lequel atteindra les sommets ? Un roman magistral, d’une acuité phénoménale et d’une modernité folle, qui traite d’architecture bien sûr, mais aussi du pouvoir de la presse et de l’intelligentsia bourgeoise, de la notion de beauté, si dévoyée par certains, de liberté, et enfin d’amour.
Chronique détaillée de La Source vive à retrouver ici