
L’Obsédé, également traduit L’Amateur, de l’anglais The Collector, est le premier roman de l’écrivain britannique John Fowles, celui qui lui a valu la consécration. Si l’intention de l’auteur était de retourner son lecteur, je dois dire que c’est un coup de maître.
L’intrigue est simple, affreusement simple même. Frederick, un employé de mairie terne et taciturne, orphelin de père et abandonné par sa mère, collectionneur de papillons à ses heures perdues, nourrit une obsession maladive pour une jeune fille qu’il observe à chaque minute de la journée, consignant scrupuleusement ses faits et gestes dans son carnet. Miranda est jeune, belle, intelligente, et vient d’obtenir une bourse pour une école d’art à Londres. Cela aurait pu s’arrêter là si Frederick n’avait pas gagné le gros lot aux paris. Sans s’avouer ses propres intentions, il achète une petite maison éloignée de tout, réhabilite la cave, la meuble, achète des vêtements de femmes, et enlève Miranda un soir de pluie alors qu’elle regagnait son domicile. La suite n’est qu’un long huis-clos étouffant entre ces deux personnages, dont l’issue parait aussi inéluctable que tragique.
« Ce qu’elle n’a jamais compris, c’est qu’il me suffisait de l’avoir près de moi. Rien d’autres ne comptait. Je n’en demandais pas davantage. Je voulais l’avoir là et me sentir en sécurité. »
Le récit est d’abord raconté par Frederick lui-même, pour lequel le lecteur aura bien du mal à ressentir une quelconque empathie, tandis que la réalité de la séquestration de la jeune fille vient briser tous les espoirs et les rêves qu’il y avait mis. Le malaise est d’autant plus grand que les justifications dont se réclame Frederick sont pseudo-romantiques. Des pages et des pages à répéter qu’il dépense sans compter pour elle, se pliant en quatre pour lui faire plaisir sans rien demander, ou si peu, en retour. Espérant désespérément susciter l’amour, Frederick n’est préparé ni à l’intelligence rusée de Miranda, ni aux sacrifices qu’elle est prête à faire. À mesure que les semaines passent, sa déception face à celle qu’il considérait comme une jeune fille pure et innocente fait naître une tension sourde, sans que l’on sache de quel côté le drame va surgir.
Mais étrangement, le roman devient encore un cran plus perturbant (et un brin ennuyeux également) quand vient le tour de Miranda, qui raconte dans un journal les mêmes événements de son point de vue. Apparait alors une jeune fille certes déterminée à survivre à tout prix, mais aussi fort peu sympathique. L’auteur s’attarde sur les différences sociales entre les personnages, Miranda devenant le prototype de la jeune fille snob née avec une cuiller d’argent dans la bouche, qui se prétend artiste et qui n’est attirée que par des hommes ayant le double de son âge. Frederick est au contraire la caricature de l’homme sans éducation, sans amour, qui ne connait rien aux rapports humains ni à la culture quand bien même il serait devenu richissime du jour au lendemain. Les discussions entre ces deux opposés qui ne pourront jamais se comprendre semblent ainsi, au-delà du kidnapping, comporter en creux une critique de la société et du rapport à l’argent. Cela dit, même si l’intention de l’auteur était de complexifier les personnages, j’ai trouvé très dérangeante cette façon de dénigrer la victime.
« J’ai eu l’impression de tomber dans le vide, de m’apercevoir tout d’un coup que le vide existait. »
Le récit est intelligemment mené, mais affreusement glauque. L’obligation dans laquelle nous plonge l’auteur, d’observer les événements du point de vue d’un sociopathe, aux premières loges de sa perversion et de sa folie, est beaucoup trop perturbante à mon goût. Je dois avouer m’être sentie nauséeuse tout au long de ma lecture, tant ce roman m’a mise mal à l’aise, et j’avais réellement hâte de le terminer et de passer à autre chose.
Ma note (2,5 / 5)
Éditions Points, traduit par Solange Lecomte, 24 janvier 2008, 336 pages