La maîtresse de mon amant – Maggie O’Farrell

J’étais très intriguée par ce roman, l’un des seuls de Maggie O’Farrell que je n’avais pas encore lu. C’est le plus mal-aimé, le plus universellement critiqué de tous. Je l’ai donc abordé en m’attendant au pire, et si c’est loin d’être son meilleur, je dois reconnaître que j’ai été plutôt agréablement surprise.

Ce roman est dès le départ un peu desservi par son titre, qui semble tout droit sorti d’un épisode des Feux de l’amour. Au moins le titre anglais, My lover’s lover, avait une redondance intéressante… L’histoire commence par la rencontre de Lily, une jeune femme un peu à côté de la plaque, qui accumule les petits boulots et vit de manière provisoire chez sa mère, et de Marcus, un architecte branché et séduisant. Elle saute sur sa proposition d’emménager dans son loft, dans la chambre auparavant occupée par son ex-petite amie, Sinead. Petit à petit, elle comprend qu’il s’est passé un drame, sans que Marcus, ni leur autre colocataire Aidan, ne veuillent lui donner vraiment de détails. Un jour, Marcus finit par lui avouer que Sinead « n’est plus parmi nous ». Pourtant Lily est obsédée par cette absente qui prend paradoxalement tant de place. Les portes claquent, des odeurs étranges apparaissent, des visions furtives aperçues du coin de l’oeil. Puis Lily finit par voir Sinead elle-même, errer dans l’appartement. Folie ou fantôme ? Amourette ou liaison fatale ?

« La véritable frayeur est nette, parfaite, tout d’une pièce, elle vous précipite presque dans une sensation de néant. Elle s’empare moins de votre corps qu’elle ne vous en prive. »

Je serai plus nuancée que les nombreuses critiques que j’ai pu voir sur ce roman, puisque je peux honnêtement dire que j’en ai aimé une grande partie. Il y a une tension particulièrement efficace qui s’installe dès les premières pages, avec cette cohabitation étrange entre deux inconnus, puis avec ces apparitions morbides de la disparue. Tout est fait pour que l’on se pose mille questions, et plus le récit avance, plus il y a de surprises, l’auteure contrecarrant systématiquement les attentes du lecteur.

Néanmoins, les principaux défauts de ce roman sont son irrégularité et son incohérence. Comme je le disais, j’accrochais beaucoup, malgré quelques maladresses, durant les deux premières parties (soit les trois quarts du roman environ), mais ensuite le récit s’effondre littéralement, devenant convenu, banal, sans aucun intérêt. C’est assez rageant. Certains passages sont trop longs, et surtout, le dénouement est incroyablement déceptif par rapport à ce à quoi on aurait pu s’attendre, presque incongru. J’ai peine à croire comment un roman qui commençait avec une telle ambiance, si mystérieuse et angoissante, presque du ressort du polar, a pu péricliter de la sorte. La romancière ne savait-elle pas comment achever son roman ou était-ce son dessein depuis le début ? Ce qui est certain, c’est que cette dernière partie gâche rétrospectivement l’ensemble.

Par ailleurs, il y a également pas mal d’éléments qui paraissent à tout lecteur sensé totalement incohérents dans cette histoire, à commencer justement par la scène d’ouverture du roman : Lily qui accepte, en ne l’ayant rencontré qu’une seule fois lors d’un cocktail, de devenir la nouvelle colocataire (et plus si affinités) de Marcus. Par ailleurs, la personnalité de Lily elle-même est curieuse, on ne comprend aucune de ses décisions ni de ses réflexions, et elle rend l’histoire assez peu crédible.

« En général, ce sont les gens qui peuplent son environnement, et son environnement lui-même qui paraissent fermes et immuables, tandis qu’elle les traverse tel un spectre. À présent il lui semble que l’appartement s’est dissous en miasmes noirs et qu’elle y constitue le seul élément vivant, complet. »

C’est donc un bilan en demi-teinte, et un roman absolument incomparable avec Assez de bleu dans le ciel, L’étrange disparition d’Esme Lennox, ou encore le magistral I am I am I am. Il fait partie des premiers romans de Maggie O’Farrell, avec Quand tu es parti (une exception dans ce trio car à mon sens il s’agit d’un roman incroyablement émouvant) et La distance entre nous (très inégal), très différents de ses romans suivants qui seront plus fins, précis et travaillés. C’est aussi pour cette raison que j’ai trouvé ma lecture très intéressante. Il me semble qu’on y apprend un peu de la romancière elle-même, de sa progression dans la construction de ses romans, dans ce dépouillement vers ce qu’elle finira par considérer comme essentiel pour ses intrigues. Malgré ses défauts, ce roman est plein de son talent, de son style incomparable, de sa façon d’alterner les points de vue de ses personnages pour que l’histoire finisse, petit à petit, par faire un tout qui se dessine sous les yeux du lecteur. C’est somme toute plein de promesses.

Ma note 2.5 out of 5 stars (2,5 / 5)

 

 

 

Éditions 10/18, traduit par Michèle Valencia, 18 août 2005, 368 pages

5 commentaires sur “La maîtresse de mon amant – Maggie O’Farrell

  1. C’est le seul et unique roman que j’ai lu de cette auteure, et j’ai trouvé sa plume très intéressante. Je dois parfaire mes connaissances et lire d’autres de ses romans.

  2. Celui-ci ne me tente pas vraiment. Par contre, j’ai lu il y a un bon moment déjà « L’étrange disparition d’Esme Lennox » que j’avais bien aimé.
    Bonne journée

    1. Si le thème de L’étrange disparition d’Esme Lennox t’avait plu, je te conseille La Salle de bal d’Anna Hope !

  3. Je viens de finir « Hamnet » de l’autrice… je n’ai pas lu celui-ci non plus, mais je suis généralement fan de la plume.

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