Père – Elizabeth von Arnim

Que dire d’un livre qu’on a simplement adoré ? Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir à une lecture, et je n’en finis pas de découvrir l’oeuvre d’Elizabeth von Arnim, dont le style me plait décidément énormément.

Petite, Jennifer a promis à sa mère mourante de toujours veiller sur Père. À trente-trois ans, elle est donc toujours célibataire, vivant sous le joug de cet auteur de romans libertins, jouant tour à tour le rôle de secrétaire et de bonne à tout faire, sans espoir de pouvoir un jour trouver un peu de liberté. C’était sans compter sur le remariage inattendu et soudain de Père avec une jeune femme, Netta. Jennifer n’en croit pas sa chance et profite du voyage de noces du nouveau couple pour faire des plans pour son avenir. Elle n’a que peu de moyens, mais elle est décidée à se contenter d’une vie simple. Tout ce qu’elle désire, c’est être à la campagne, loin de cette rue londonienne sinistre où elle a vécu jusqu’ici. Elle se met donc en quête d’un petit cottage sans prétention, et l’ayant trouvé, se prépare à son emménagement, tout en profitant des joies simples que semblent lui procurer cette nouvelle vie inespérée.

C’est donc le récit bourré d’humour d’une émancipation qui ne va pas aller sans heurts. Jennifer, pour qui l’on se prend d’une sympathie immédiate, va faire preuve d’une candeur touchante et d’une énergie admirable dans sa détermination à obtenir enfin ce qu’elle désire pour elle-même. Sur son chemin se dresseront son père, déterminé à ne pas avoir à se passer de son esclave attitrée ; son propriétaire James et sa terrible soeur Alice, ou encore un pasteur dédaigneux et rancunier… Pléthore de personnages truculents et qui rendent le récit irrésistible. Mais l’ironie déployée par Elizabeth von Arnim, elle-même si malheureuse en ménage, est ici au service d’une dénonciation de l’oppression des femmes et de la tyrannie domestique, qui prend dans ce roman toutes les formes : celle d’un père, celle d’une soeur, celle d’un mari… Si on plaint par moments James, malmené par une soeur imbuvable et intraitable, il va s’en dire que le sort féminin est bien moins enviable, et que le contraste souvent opéré entre James et Jennifer vient souligner combien le premier, par sa faiblesse, est aussi l’artisan de son malheur alors que la seconde ne se voit offrir que peu d’alternative. Qu’il est difficile pour une femme de vivre de manière indépendante, conformément à ses seules volontés, sans asservissement à un homme, ou dans le meilleur des cas, sans besoin de la protection qu’il veut bien consentir à lui offrir. On tremble pour Jennifer, souhaitant pour elle que les événements finissent par se dérouler heureusement, mais aussi pour Netta, cette frêle et innocente jeune femme qui s’est précipitée dans un mariage avec un vieillard sans imaginer une seconde ce qu’on attendrait d’elle.

Ce roman est aussi délicieusement drôle que, dans le fond, profondément poignant. Les pages ont défilé si vite que je m’efforçais de retarder ma lecture pour profiter encore un peu de ce roman bourré de charme et si splendidement écrit. Après La Bienfaitrice, et Avril enchanté, ce roman m’a totalement conquise et a placé Elizabeth von Arnim parmi les auteurs que j’admire le plus.

Ma note 5 out of 5 stars (5 / 5)

 

 

 

Éditions de l’Archipel, traduit par Marguerite Glotz, mai 2014, 375 pages

8 commentaires sur “Père – Elizabeth von Arnim

  1. Tu me donnes très envie de découvrir ce livre dont j’en n’avais jamais entendu parler auparavant !
    Merci donc pour la découverte !
    Bon week-end !

  2. Toujours attentive à vos propositions de lecture et très attirée par Elisabeth Von Arnim, je n’ai pas trouvé à la librairie ce roman mais j’ai pris « avril enchanté » que je commence avec bonheur allongée sous une glycine blanche embaumante… Je suis ravie. Merci. Anne

    1. Oh vous allez vous régaler ce roman est une merveille ! Bonne lecture !

  3. Bonsoir,
    Si vous aimez Elizabeth Von Arnim, alors il faut lire En Caravane, désopilant, et Véra, la destruction annoncée d’une jeune femme par un pervers narcissique: glaçant et magistralement écris.

    1. Je n’ai pas été entièrement convaincue par Vera, qui me rappelait trop Rebecca de Daphné du Maurier, en moins réussi.

    1. Difficile à affirmer avec certitude, mais je m’étais également posé la question dans ma chronique sur Vera !

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