Anatomie d’un scandale – Sarah Vaughan

Résumé :

Kate vient de se voir confier l’affaire de sa vie, celle qui accuse l’un des hommes les plus proches du pouvoir d’un terrible crime. Kate doit faire condamner James Whitehouse. Sophie adore son mari, James. Elle est prête à tout pour l’aider et préserver sa famille. Sophie doit trouver la force de continuer comme avant.
Comme avant, vraiment ? Quels sombres secrets dissimule le scandale, et à quel jeu se livrent réellement ces deux femmes et cet homme ?

« Et j’ai beau savoir que la justice ne punit pas toujours le coupable, qu’un avocat talentueux peut gagner même si les preuves s’accumulent contre son client, que notre métier consiste à être plus convaincant que la partie adverse, je sais aussi que devant l’opinion publique, les choses sont très différentes. Le cumul d’actes moralement répréhensibles passe rarement pour une coïncidence et peut, si on les dénonce avec assez d’acharnement et de force, causer la ruine d’un homme. »

Mon avis :

Un roman coup de poing, glaçant, dérangeant, et extrêmement bien mené.

Les personnages se mettent en place doucement. James un homme politique très proche du Premier ministre. Sophie, sa femme, mère au foyer et soumise. Kate, une avocate spécialisée en crimes sexuels et sur le point de se saisir de l’affaire de sa carrière. Et Holly, une jeune étudiante à Oxford, dont l’histoire nous est racontée en filigranes, nous replongeant dans le passé, en 1993. L’affaire éclate au début du roman : James a eu une aventure avec une de ses collègues, Olivia, qui fait immédiatement la une de tous les journaux, plongeant Sophie dans l’humiliation. Cela aurait pu s’arrêter là si Olivia n’avait pas porté plainte pour viol. Les rouages de l’affaire se mettent en place, on passe d’un personnage à l’autre, d’une psychologie à l’autre, et d’une histoire à l’autre. Car pour chacun, l’enjeu est différent. L’auteure alterne passé et présent, nous plongeant dans la vie étudiante d’Oxford, à l’époque où tous étaient de simples étudiants désireux de s’affranchir des contraintes et de profiter de la vie au maximum. Des jeunes garçons privilégiés qui s’abrutissent d’alcool et de drogue. Des jeunes filles tentant désespérément de se faire une place. Et si le passé était la clé pour mieux comprendre le présent ?

« Ces mensonges qu’on débite… Pour faciliter les choses, pour rendre la vie plus simple. Le père Noël, la petite souris, un mari qui ne violerait jamais personne en toute conscience… »

Mais surtout, à l’heure où l’on évoque enfin ces sujets avec sérieux dans l’opinion publique, le roman s’attarde sur la notion de viol et de consentement. Car pour beaucoup encore, un violeur est un personnage de roman noir, un sale type qu’on croise dans une ruelle sombre armé d’un couteau. Il est tellement difficile de concevoir qu’un homme qui parait bien sous tout rapport, beau, riche, éduqué, intelligent, marié et père, puisse s’abaisser à quelque chose d’aussi répréhensible. L’auteure revient sur les zones d’ombre, sur les flous, sur les préjugés, sur le refus de la société de voir la vérité en face. James est-il innocent ou bien coupable ? Peu importe à vrai dire, l’important est dans la démonstration qui y est menée, dans cette réflexion autour du doute, autour de la répartition des responsabilités qui persiste insidieusement. Avec quelle force faut-il dire non pour que ce soit considéré comme un véritable refus ? Et si elle était saoule ? Et si elle avait laissé faire pour que ce soit « plus facile » ? Et si elle était sa petite amie, est-ce vraiment un viol ? La répétition vaut-elle acquiescement ?  Qu’en est-il du viol conjugal ? Des questions épineuses et terriblement sensibles, sur lesquelles on s’attarde avec une angoisse sourde et que Sarah Vaughan va disséquer avec une précision chirurgicale. Autour d’un scandale politique et sexuel tout ce qu’il y a de plus banal et de plus glauque, le roman met le doigt sur tout le chemin qui reste encore à parcourir pour que les oeillères tombent et que les victimes soient reconnues comme telles.

« Et notre objectif à nous, les femmes, est de plaire. On nous a programmées pour amadouer et apaiser, pour soumettre notre volonté à celle des hommes. Oh, bien sûr, certaines d’entre nous se sont rebellées contre cet état de fait – et on nous juge intraitables, difficiles, péremptoires et acariâtres. Nous en payons le prix. »

Ce thriller psychologique haletant et oppressant m’a donné bien des sueurs froides. On est très loin du ton mielleux et décevant du roman précédent, La Ferme du bout du monde, et c’est tant mieux. Sarah Vaughan a trouvé son créneau et je dois dire que je suis soufflée.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

 

Éditions Préludes, traduit par Alice Delarbre, 9 janvier 2019, 448 pages

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