Derniers feux sur Sunset – Stewart O’Nan

Résumé :

Nous sommes en 1937, et tout va mal pour Francis Scott Fitzgerald. Il est ruiné, miné par l’alcool, en panne d’inspiration, et Zelda, l’amour de sa vie, est internée dans un asile. Elle est loin l’époque où leur couple défrayait la chronique. L’Âge du Jazz est terminé, avec ses fêtes, son glamour, ses extravagances. Répondant à une proposition de la Metro Goldwyn Mayer, Fitzgerald joue sa dernière carte et débarque à Hollywood comme scénariste. Ses collègues se nomment Dorothy Parker, Ernest Hemingway, Humphrey Bogart. Dans une soirée, il croise la ravissante Sheilah Graham, une journaliste mondaine dont il tombe follement amoureux. Il se remet à écrire, s’efforce de ne plus boire, rend visite à Zelda avec sa fille Scottie. Mais comment continuer à vivre quand le monde semble s’effriter autour de soi ?  » Toute vie est un processus de démolition « , avait-il écrit dans La Fêlure (1936). Quelques années plus tard, cette phrase sonne comme un avertissement du destin.*

« Malgré tout ce qu’ils avaient gâché, jamais il ne contesterait qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. »

Mon avis :

Nous voilà plongés au coeur des dernières années de Francis Scott Fitzgerald. Alors que Zelda ne va pas mieux et que les dettes, notamment les factures de l’hôpital et de l’école de Scottie, s’accumulent, Fitzgerald décide de retenter sa chance à Hollywood, en travaillant sur des scénarios.

Comme avec toute biographie romancée (c’était déjà le cas pour Hiver et pour Froidure), j’appréhende toujours un peu qu’on puisse travestir la mémoire d’un grand écrivain. Après tout que connaissait Stewart O’Nan des pensées et des conversations de Fitzgerald ? On ne peut néanmoins pas nier qu’il a parfaitement capturé ce qu’on sait de l’état d’esprit de l’écrivain dans ces années-là. Après une existence de fêtes et de démesure, l’auteur de Gatsby et de Tendre est la nuit a somme toute peu profité de son succès, et le déclin de ses dernières années laisse place à un homme las, criblé de dettes, et n’ayant même pas pu achever son dernier roman. Un homme triste, privé de sa femme et de sa fille et contraint de vivre dans les souvenirs des jours heureux. Un homme désenchanté, qui voit une nouvelle guerre se profiler et l’Europe qu’il aimait tant sombrer dans le chaos. Un homme qui lutte avec son alcoolisme et sa mauvaise santé, conséquence des excès des temps révolus. Et un homme enfin qui se trouve contraint de mettre son orgueil de côté pour grapiller quelques dollars, passant de scénarios en scénarios, se trouvant licencié aussi vite, et n’ayant eu finalement son nom au générique que d’un seul film, alors qu’il travaillait sans relâche.

« Il ne savait pas ce qu’il faisait là, loin de tous ceux qu’il aimait. »

Il y a quelque chose de profondément pathétique chez cet écrivain qui n’a pas connu une pleine reconnaissance de son vivant, et qui, miné par les désillusions et une jeunesse brûlée par les deux bouts, est contraint de s’abaisser à retoucher les scénarios des autres, pour gagner de quoi subsister. On a peine à croire qu’un tel génie, dont les romans sont tant célébrés aujourd’hui, ait pu connaitre une fin de vie aussi triste. Le roman montre parfaitement le lien indéfectible qui le lie à Zelda, ce mariage qui n’en est plus un et pourtant une fidélité et un amour envers elle, certes transformé, mais éternel. Les passages relatant leurs moments ensemble, lors des rares autorisations de sortie de Zelda, sont d’ailleurs les plus réussis, ainsi que ceux qui tentent de retranscrire les sentiments de Fitzgerald envers sa femme. À chaque visite c’est une Zelda différente, chaque fois son espoir de la voir guérir un jour se heurte à l’impitoyable réalité, et c’est là que l’écrivain est le plus touchant : son inquiétude, sa culpabilité, ses souvenirs. Sa vie et celle de Zelda sont tellement entrelacées qu’elle reste omniprésente à son esprit, même après sa rencontre avec Sheilah Graham, qui d’ailleurs l’a séduit au premier coup d’oeil parce qu’elle lui a rappelé une Zelda jeune et bien portante. De même, j’ai beaucoup aimé les passages qui montre le lien entre Fitzgerald et sa fille Scottie. Leur affection mutuelle, et les espoirs qu’il place en sa fille, notamment pour qu’elle ne répète pas les mêmes erreurs que ses parents, sont extrêmement touchants.

« Pour sauver sa peau il avait assassiné ce qui autrefois était le meilleur de lui et, à sa plus grande honte, il découvrit qu’il n’avait rien sauvé. »

J’aurais néanmoins des reproches à faire à ce roman. J’ai tout d’abord trouvé le style pesant, avec des descriptions trop longues et inutiles, et des passages répétitifs. Par moments on a l’impression que l’auteur ne fait qu’enchaîner sans fin les mêmes cycles : Fitzgerald boit, Fitzgerald n’a plus d’argent, Fitzgerald quémande du travail, et ça recommence, comme une interminable litanie. Si on ne peut que reconnaître une stricte conformité à la réalité de l’existence de l’écrivain ces années-là, je déplore tout de même que Stewart O’Nan n’ait pas trouvé le moyen de compenser cette narration quelque peu répétitive par davantage de profondeur et de finesse dans la psychologie de son sujet.

« Pourquoi le passé était-il toujours à double tranchant, ou bien la faute en était-elle au présent, si médiocre et si vide ? »

Par ailleurs, la manie de l’auteur d’égrener des listes de noms plus ou moins connus du monde du cinéma à tout bout de champ est assez pénible. Cet Hollywood de l’entre-deux guerres n’a que peu d’intérêt tel qu’il est présenté dans le roman, et surtout cela n’apporte pas grand chose à l’histoire de Fitzgerald lui-même, qui est quand même le sujet principal du roman. À l’inverse cette obsession donne l’impression de justifier le côté paillettes d’un roman qui est somme toute plutôt triste et désenchanté. Petit à petit, le roman lasse un peu, même si les extraits des lettres de l’écrivains et de ses proches égrenés ici et là contribuent en grande partie, tout au long du roman, à apporter une touche d’émotion bienvenue. Une lecture en demi-teinte donc.

Ma note 3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

 

  • résumé de la quatrième de couverture

Éditions de l’Olivier, traduit par Marc Amfreville, 18 août 2016, 396 pages.

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