Les femmes de Heart Spring Mountain – Robin MacArthur

Résumé :

Août 2011. L’ouragan Irene s’abat sur le Vermont, laissant derrière lui le chaos et la désolation. Loin de là,  à La Nouvelle-Orléans, Vale apprend que sa mère a disparu lors du passage de la tempête. Cela fait longtemps que la jeune femme a tourné le dos à sa famille, mais cette nouvelle ne lui laisse d’autre choix que de rentrer chez elle, à Heart Spring Mountain. Elle y retrouve celles qui ont bercé son enfance : la vieille Hazel qui, seule dans sa ferme, perd la mémoire, et Deb, restée fidèle à ses idéaux hippies. Mais si elle est venue là dans le seul but de retrouver sa mère, c’est aux secrets des générations de femmes qui l’ont précédée que Vale va se confronter, réveillant son attachement féroce à cette terre qu’elle a tant voulu fuir. *

Mon avis :

Après le passage de l’ouragan Irene, Vale est sans nouvelles de Bonnie, sa mère. L’occasion pour elle d’un retour aux sources et d’une recherche de ses origines, mais aussi, pour toutes les femmes de cette famille, de sonder leur histoire, de révéler les secrets trop longtemps tus.

Il m’a fallu du temps pour apprivoiser ce roman, en particulier ses personnages. Vale la strip-teaseuse, ancienne droguée, qui part sur les traces de sa mère en élisant domicile dans une caravane rouillée. Ou Deb, une hippie ayant vécu dans une communauté persuadée que le monde allait à sa perte. Je trouvais ces personnages, marginaux, abîmés par la vie, trop caricaturaux, et j’ai un peu craint pour la suite. Mais petit à petit le roman prend ses marques, et l’histoire se déroule. La structure est efficace, avec ces brefs chapitres qui s’apparentent presque à des nouvelles à part entière, rappelant le brillant et magnifique recueil Coeur sauvage de l’auteure. Ces chapitres alternent les points de vue, rivalisant d’émotion à mesure qu’ils racontent l’histoire de ces femmes : Vale, Deb, Hazel, Lena…

« Quelle drôle de façon nous avons de chercher la consolation et la joie. »

Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point les hommes sont absents, ou à la périphérie, de ce roman. Les personnages sont avant tout féminins, tout comme les références culturelles : on écoute Nina Simone, Billie Holiday, Patsy Cline, Janis Joplin, Patti Smith ou encore Edith Piaf, et on lit Simone de Beauvoir, Angela Davis, Grace Paley… Quant aux hommes, il y a Lex, le mari de Hazel, violoniste et marqué par la guerre du Vietnam. Il y a Danny, le fils de Deb, parti vivre en Amérique du Sud, le plus loin possible. Il y a Neko, le photographe de guerre, dont Vale s’amourache. Seul Stephen, le fils de Hazel et mari de Deb, qui a construit sa maison de ses mains et qui est rongé par son mal-être, a une voix dans le roman. Mais dans l’ensemble les hommes semblent tous secondaires, attachants et aimés assurément, mais peu fiables, trop fuyants, trop instables. Alors que les femmes, elles, paraissent fortes, déterminées, bohèmes, attachées aux valeurs de leurs ancêtres et cultivant un lien profond avec la terre.

« La voix de ces femmes est comme un étrange remède. »

J’ai aimé la poésie du roman, aussi bien dans les descriptions de la nature environnante, sauvage, déchaînée et surtout menacée, que dans celles des états d’âme des personnages. Léna en particulier, cette femme vivant dans sa cabane avec une chouette borgne, qui paraît en symbiose totale avec le monde et la forêt qui l’entourent, a une présence incroyable. Elle est fantasque, passionnée et si vivante qu’elle est sans doute la plus attachante de toutes. J’ai trouvé également la personnalité de Vale intéressante, cette dualité permanente entre la fuite et le besoin de racines. La recherche de sa mère passe progressivement au second plan, à mesure que Vale fait le deuil de son enfance et le deuil de ce qu’elle espérait trouver en partant à l’autre bout du pays, pour se rendre finalement compte que tout était ici, chez elle, depuis le début. Quand elle découvre que son arrière grand-mère était indienne, c’est une révélation. Voilà pourquoi cette famille est si irrémédiablement reliée à cette terre isolée à flanc de montagne. Mais c’est aussi un nouveau tabou qui se lève, celui du traitement des autochtones à l’époque où leurs terres leur était progressivement confisquées.

« La guerre, la drogue, les ouragans : autant de symptômes d’un même mal. »

Malgré des qualités, ce n’est pas un coup de coeur. Ce côté célébrant la « vraie » vie, la vie bohème, avec alcool et drogue en prime, ne m’a pas touchée. Je suis par ailleurs partagée sur le message du roman. Il y a un discours pacifiste et écologique assez évident, mais parfois maladroit. La guerre, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, mais aussi de manière ponctuelle et quelque peu étonnante les souffrances des nations indiennes (la question des stérilisations forcées est abordée par exemple), ou encore le féminisme, la drogue, la pauvreté… Tout ceci laisse planer tout au long du roman un constat désabusé sur l’humanité et l’évolution de notre planète, ce que j’ai trouvé certes très pertinent mais bizarrement développé. J’ai trouvé que cette accumulation de sujets extrêmement divers, et parfois très superficiellement traités, finissait par alourdir le propos. Tout au long de ma lecture, le roman me rappelait ceux de Louise Erdrich, et souffrait quelque peu de la comparaison. Cela ne m’a néanmoins pas empêché d’apprécier ce récit d’une grande mélancolie, qui place en son coeur de magnifiques portraits de femmes.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

 

*résumé de la quatrième de couverture

Éditions Albin Michel, traduit par France Camus-Pichon, 30 janvier 2019, 368 pages.

 

Laisser un commentaire