
Résumé :
Suspendue au bras de son mari Alec, Margaret guette avec impatience l’arrivée du train de sa sœur Elspeth, venue d’Écosse pour vivre avec eux dans l’Iowa. Vive et malicieuse, s’émerveillant d’un rien, Elspeth respire la joie de vivre et ne tarde pas à illuminer leur vie de riches fermiers bien installés. Mais alors que l’automne s’annonce, un triangle amoureux se forme peu à peu entre Alec et les deux sœurs.
« Leurs yeux se rencontrèrent à nouveau, se regardèrent par-delà la barrière des années de ressentiment, puis se détournèrent. »
Mon avis :
Par une journée d’automne, Margaret s’apprête à enterrer son mari, Alec. Elle se souvient alors d’une journée d’automne similaire, dix-huit ans auparavant, où elle accueillait avec enthousiasme sa soeur cadette, Elpsbeth, arrivée d’Écosse pour vivre avec eux. Bien mal lui en aura pris puisque très vite, un rapprochement s’opère entre Alec et Elpsbeth, jusqu’à l’inévitable.
Un roman très court, et un style limpide que j’ai beaucoup aimé. C’est une histoire simple dans tout ce qu’elle a de plus tragique, la banalité d’un drame intime, la tristesse de trois vies gâchées pour préserver les apparences. Car tous trois continueront de vivre sous le même toit, s’enfermant dans un tombeau de silences et de récriminations. « Remember laughter » est le titre d’origine, et il est malheureusement loin le temps des rires dans cette maison où les deux soeurs ont prématurément vieilli, accablées sous le poids d’un passé que personne ne balaie.
« Cette passion-là était morte étouffée dans les geôles irrespirables de la culpabilité. »
Un joli roman, mais qui m’a mise mal à l’aise. Je n’ai pas aimé la façon dont Elpsbeth énumère les défauts de sa soeur, en particulier sa rigidité, son obsession de la propreté, son inquiétude pour les apparences et pour les convenances. Bien que ces défauts soient réels, ils ont l’air d’excuser par avance sa conduite ainsi que celle d’Alec ; sous-entendrait-on que Margaret a d’elle-même éloigné son mari, au point de le parachuter dans les bras de sa propre soeur ? C’est d’autant plus agaçant qu’on observe Margaret, totalement aveugle, se plier perpétuellement en quatre pour rendre la vie de sa soeur et de son mari la plus agréable possible. La force de la trahison m’a dérangée, et à aucun moment je n’ai été émue par les personnages, si ce n’est éventuellement par la détresse de Margaret lorsqu’elle découvre la vérité.
J’avoue également n’avoir cessé de penser à Ethan Frome et aux similitudes entre les deux romans. Il ne s’agissait pas de soeurs mais de cousines, mais l’histoire est dans le fond peu ou prou la même. J’avais été bouleversée par le roman d’Edith Wharton, que je trouve infiniment plus beau et plus tragique. Le mariage malheureux était assumé, de la part tant du mari que de son épouse, et on ne pouvait que plaindre la pauvre Mattie, dépêchée sur place pour assister sa cousine acariâtre et souffreteuse. Il s’agissait d’un amour impossible, contre lequel les deux intéressés auront véritablement lutté, jusqu’à la tragédie finale. Une journée d’automne a malheureusement pour moi un peu souffert de la comparaison.
« Le temps parfait de l’été indien se prolongeait ; aux journées chaudes et ensoleillées succédaient des nuits fraîches ; Halloween était déjà dans l’air comme un pressentiment. L’après-midi, la fumée des feux de paille s’élevait à l’horizon en nuages bleutés, et devant la maison, la pelouse était jonchée de feuilles craquantes. »
Ce que je retiendrai surtout du roman c’est son inscription dans cette nature bucolique qui me séduit tant. L’auteur nous plonge dans cette vie typique de la campagne, rythmée par les saisons et le travail de la ferme, à la manière un peu de Thomas Hardy. Le roman respire l’automne, les feuilles qui volent, le soleil qui s’estompe, l’odeur de la terre mouillée, les oiseaux qui s’apprêtent à prendre le large, et c’est magnifique.
Ma note (3 / 5)