L’arbre aux haricots – Barbara Kingsolver

« Je ne voulais pas croire que le monde pouvait être aussi injuste. Pourtant tout était là, sous mon nez. Si la vérité avait été un serpent elle m’aurait sauté à la gorge depuis longtemps. Elle m’aurait avalée toute crue au petit déjeuner. »

Marietta grandit dans le Kentucky des années 80, où la seule perspective d’avenir pour les jeunes filles est de tomber enceinte plus ou moins tardivement. Elle décide donc d’échapper à ce destin et prend la route dans sa vieille guimbarde, direction tout droit. Après une escale en Oklahoma sur les terres Cherokees, où une femme lui met dans les bras une petite fille d’à peine deux ans en la suppliant de l’emmener, Marietta rebaptisée Taylor finit par arriver les pneus à plat et le moteur défaillant dans l’Arizona, devant le garage « Seigneur Jésus, Pneus d’occasion ». N’ayant pas d’autre choix que de demeurer sur place, ne serait-ce que le temps de gagner de quoi réparer sa Coccinelle, elle va peut-être finir par trouver ce qu’elle ne croyait pas chercher, une famille.

« J’ai jamais compris pourquoi les hommes s’imaginent qu’ils peuvent impressionner une femme en peignant le monde sous des couleurs aussi terrifiantes. »

L’arbre aux haricots est un joli roman de formation, confrontant brutalement sa narratrice au monde qui l’entoure, et en particulier ses injustices et ses souffrances. Elle va découvrir la dureté et la laideur, et avoir la tentation de se décourager avant de se laisser porter par l’amitié et l’amour. Les personnages traversant cette histoire ont tous un passé compliqué, et un optimisme à tout épreuve. Sa colocataire Lou Ann, abandonnée par son mari à la naissance de leur bébé ; la patronne du garage Mattie, qui n’a pas son pareil pour manier un pneu et cache tout un tas de secrets dans sa bâtisse à l’abri des regards ; Estevan et Esperanza, réfugiés du Guatemala, dont le regard est aussi doux que hanté ; ou encore ses étranges voisines Edna et Virgie Mae.

« Tes enfants, ils sont pas vraiment à toi, c’est juste des gens dont tu essaies de t’occuper, en espérant que plus tard ils continueront à t’aimer et qu’ils seront toujours entiers. »

Bien qu’abordant des sujets graves tels que les réfugiés politiques, les violences infantiles, ou encore les maternités subies, le premier roman de la gagnante du prix Pulitzer 2023 avec Demon Copperhead, est truculent, tendre et agréablement rythmé, tout à la fois drôle et tragique. Le propos est assez naïf, à l’image de notre protagoniste, mais on sent déjà en germe tout le talent de Barbara Kingsolver pour raconter cette Amérique à deux vitesses, cette contradiction entre le pays autoproclamé de la liberté et le sort qu’il réserve à ses plus faibles.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions Rivages, traduit par Martine Aubert, septembre 2021, 320 pages

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