
« Quel Dieu créerait tant de pierre au-dessous, tant d’air au-dessus, pour ne placer qu’un misérable silo dans l’entre-deux? »
Dans un futur postapocalyptique, une communauté d’hommes et de femmes vit sous terre dans un immense silo, divisé en quelques 130 étages. Une réclusion devenue vitale, l’air extérieur étant mortellement toxique, le paysage désolé, poussiéreux et délétère. Le seul aperçu sur l’extérieur se fait grâce à des caméras, sur lesquelles la saleté s’accumule, rendant la vision trouble et angoissante pour les habitants du silo. Elle serait totalement obscurcie sans les opérations de « nettoyage » auxquelles sont condamnées les traitres, ceux qui mettent en doute l’organisation millimétrée du silo et émettent des hypothèses sur l’extérieur. Équipés d’une combinaison destinée à leur octroyer un sursis nécessaire au nettoyage, ces hommes et ces femmes meurent en quelques minutes à peine, jonchant le sol de leurs corps en décomposition.
« Ce n’était pas seulement le tabou du nettoyage, la peur du monde extérieur. C’était l’espoir. Cet espoir mortel et inexprimé qui vivait en chaque habitant du silo. Un espoir ridicule, fantastique. L’espoir que, peut-être pas pour soi, mais pour ses enfants, ou pour les enfants de ses enfants, la vie au-dehors redevienne un jour possible… »
Les descriptions du silo et de son aménagement, des différentes strates pensées en fonction de leur utilité, des rapports entre les habitants selon leur rôle et le lieu où ils vivent, opposant ceux d’en haut et ceux d’en bas, sont terriblement immersives, tout comme ces longs voyages entrepris tout au long de cet immense escalier qui descend dans les profondeurs de la terre. Chacun a sa place, les naissances sont régulées, les individus controlés, les couples autorisés. Si tout parait bien huilé en apparence, certains rouages vont petit à petit commencer à altérer le fonctionnement d’ensemble. Tout commence lorsque le shérif Houston, unanimement aimé et apprécié, demande à sortir, déclenchant une série de réactions en cascade qui mettront Juliette, une jeune mécanicienne très douée, au coeur des événements. Malgré les risques, les doutes affleurent, soulignant les incohérences, cherchant des réponses à des questions demeurées trop longtemps sans réponse. Et le lecteur de s’interroger également : quels événements on conduit à cette vie de réclusion dans le silo ? qui contrôle tout cet ensemble complexe ? que se passe-t-il réellement à l’extérieur ? et quelles conclusions tirer de cette communauté dont l’organisation stricte garantit la paix sociale mais menace également en permanence de vaciller vers l’implosion ?
« On ne peut décrire une nouvelle couleur qu’à partir de nuances déjà vues. On peut mélanger du connu, mais pas créer de l’inconnu à partir de rien. »
Ce n’est pas mon genre littéraire de prédilection, pourtant j’ai beaucoup aimé ce roman captivant qui constitue un très bon cru du genre, proposant un univers original, complexe et intelligent, des personnages auxquels on s’attache, et parvient à multiplier les rebondissements tout en gardant une grande cohérence d’ensemble.
Ma note (4 / 5)
Éditions Actes Sud, traduit par Yoann Gentric et Laure Manceau, novembre 2014, 640 pages
Ce n’est pas non plus mon genre de prédilection ma ta chronique me donne envie de le lire.