
Résumé :
La jeune Charity, recueillie enfant par un avocat du petit village de North Dormer, en Nouvelle-Angleterre, s’est résignée à une vie étriquée, au pied des montagnes, rythmée par les heures qu’elle passe à dépoussiérer et ordonner la minuscule bibliothèque municipale. Un jour de début d’été, elle voit apparaître dans ce bout du monde un jeune architecte, Lucius Harney, venu dessiner des croquis d’habitats traditionnels de la région. Très vite, elle s’éprend de lui.
Mon avis :
J’ai découvert l’oeuvre d’Edith Wharton au début de l’année, et depuis je suis insatiable ! après Chez les heureux du monde, Ethan Frome et Le temps de l’innocence, ce petit roman me paraissait parfaitement adapté à la saison estivale, même si l’auteure ne fait pas défaut à sa réputation et signe là encore un roman assez pessimiste.
« Son coeur était ravagé par la découverte la plus cruelle que la vie nous réserve : le premier être humain venu vers elle à travers le désert de son existence lui avait apporté l’angoisse au lieu de lui apporter la joie. »
Comme dans Chez les heureux du monde, Été pointe du doigt la difficulté de l’accomplissement personnel, en particulier pour une femme, dans un monde où les convenances et le bon ton règnent. Même si le personnage de Charity n’est pas très attachant, on ne peut manquer de ressentir de l’empathie pour cette jeune fille qui se sent prisonnière de la petite vie étriquée de son village. Les commérages, le qu’en dira-t-on, les petites médisances entre voisins la révoltent et lui donnent des envies de fuite. Elle est sans cesse tiraillée entre ses envies d’une vie plus ambitieuse et la conscience de ses propres limites, en particulier celles qui sont la conséquence directe de son origine. En effet, ce n’est pas une jeune fille de bonne famille. Même si elle a été élevée par l’avocat de la ville, elle vient de la Montagne, cette région mal famée que tous les habitants de North Dormer craignent, et on estime qu’elle devrait déjà s’estimer heureuse d’avoir eu une enfance avantageuse. Elle mène donc une vie assez morne, envieuse des autres jeunes filles qui peuvent, elles, prétendre se marier avec un homme de bonne condition. Ses journées se déroulent dans la poussière de la bibliothèque dont elle a la charge, et ses soirées aux côtés de son tuteur, que l’on devine assez rapidement ivrogne, fruste et brutal.
L’arrivée d’un jeune architecte, Lucius Harney, semble apporter une embellie, reste à savoir si elle durera. Charity tombe rapidement sous son charme, bien que demeurant sur ses gardes, convaincue de l’éphémérité de l’amour. Au milieu d’une nature luxuriante, se déroule un récit plein de sensualité tout en restant très chaste. Mais la menace semble planer. L’ombre de la Montagne est omniprésente, et on sent que le bonheur de Charity n’est sans doute pas fait pour durer.
« Elle était aveugle et insensible à bien des choses et elle le savait obscurément ; mais à tout ce qui était air, lumière, parfum et couleur, chaque goutte de son sang répondait en elle. »
Charity ne rentre pas dans les stéréotypes de la jeune fille bien comme il faut. Elle est éprise de liberté, indépendante, fière, très proche de la nature, et déterminée à tracer sa propre voie et à décider en toute conscience de son avenir. Mais une telle liberté est encore refusée à l’époque, et une jeune fille que l’on estimait convenable et à marier peut très rapidement devenir perdue et mise au ban de la société. Edith Wharton plaide pour l’émancipation féminine, en particulier sexuelle, et dénonce la morale bien pensante d’une société patriarcale hypocrite qui bride les femmes. C’est donc là encore un roman résolument moderne, même si j’ai de loin préféré les autres romans de l’auteure.
Ma note (3 / 5)