
Sonia, en stage aux Archives d’une petite bourgade, s’ennuie ferme et passe ses journées à trainer sur Internet. Un jour elle tombe sur un forum littéraire et entame une discussion avec un dénommé Knut, qui va très rapidement lui faire une proposition étrange et déstabilisante : si elle lui envoie une photo d’elle, il lui volera les livres qu’elle souhaite, et les lui fera parvenir. Elle accepte, et débute entre eux une relation étrange, faite de fantasme et de manipulation. Les colis se font de plus en plus fréquents, de plus en plus conséquents, alors elle se sent redevable et lui livre tout de sa vie, de ses pensées, de ses envies, répond à toutes les questions qu’il lui pose.
« Le fantasme se propage pour combler les vides. »
Pourquoi Sonia accepte-t-elle une telle proposition, et surtout, pourquoi entretiendra-t-elle cette relation équivoque des années durant ? Sa vanité est flattée bien sûr, l’idée qu’un homme fasse tous ces efforts pour elle, lui offre tous ces cadeaux qui prennent progressivement de plus en plus de valeur. Par ailleurs, la personnalité de Knut l’intrigue, asocial et fétichiste, il est par ailleurs cultivé, la poussant à développer son esprit critique, ses lectures, son talent d’écriture. Mais, les exigences et les cadeaux évoluant, elle finit par se sentir prisonnière d’un accord étouffant, ne sachant comment se débarrasser de lui, partagée entre la fascination et la répulsion.
« Une nouvelle vie. En elle alternent désormais la culpabilité et l’angoisse. Elle sent que les murs de la maison dévorent ses jours peu à peu. »
Ce roman m’a laissée assez perplexe, et m’a fait l’effet d’un soufflé. Le début intrigue mais se met en place lentement, sans qu’on ne comprenne vraiment où tout cela va mener, puis se déploie et acquiert en profondeur, la relation devenant, des deux côtés, chaque fois plus obsédante et malsaine. Mais finalement après un point culminant, j’ai trouvé que cela retombait assez vite, sans véritablement aller plus loin, et j’ai terminé le roman assez dubitative. On comprend assez bien la critique de la société de consommation, cet étalage d’objets inutiles et qu’on ne peut s’empêcher de convoiter, l’effondrement des valeurs, mais aussi cette prédilection, symptomatique de l’époque, pour le virtuel, le fantasme au détriment de la réalité, pour tout ce qui peut masquer la laideur de ces existences étriquées et profondément insatisfaisantes, et sauver du désenchantement. Mais si l’atmosphère particulièrement glauque est très réussie, ainsi que les deux personnages, si justes précisément en raison de leur manque d’envergure réelle, les longueurs et les répétitions finissent par émousser la tension psychologique.
« Tous les hommes qui se sont présentés sont décevants. C’était bien mieux sur Internet, pense-t-elle. »
Néanmoins, si j’ai de loin préféré Un amour, je reconnais que Sara Mesa excelle à déstabiliser son lecteur, livrant des romans surprenants, fascinants, éloignés de toutes conventions, qui font d’elle l’une des romancières espagnoles les plus intéressantes à suivre.
Ma note (3 / 5)
Éditions Rivaes, traduit par Delphine Valentin , mai 2022, 250 pages