
Nous sommes dans les années 1870 au coeur de l’Angleterre. Le comte Uplandtowers s’est mis en tête d’épouser la jeune Barbara, fille du baron voisin, pour des motifs qui apparaissent rapidement n’avoir aucun lien avec un amour sincère et profond. Sa rage est pourtant terrible lorsqu’il apprend que la jeune fille lui a préféré un fils de verrier, Edmond, avec qui elle s’est enfuie afin de se marier en secret. Le scandale fait le tour du voisinage, d’autant qu’il s’agit là d’une mésalliance puisque le marié, bien que très bel homme, ne provient pas d’une famille illustre, et qu’il n’a pas disposé d’une instruction jugée suffisante pour prétendre lier son nom à celui de Barbara. Après des semaines de brouille, les parents de la jeune fille finissent par accepter le mariage, à la condition qu’Edmond parte pendant un an parachever son éducation sous la tutelle d’un précepteur dans les grandes villes d’Europe. L’éloignement, la solitude et les racontars commencent à peser sur Barbara, dont le temps passé en compagnie de son jeune mari aura été largement dépassé par celui passé en son absence, et qui fait preuve de plus en plus de froideur dans sa correspondance. Un jour, une lettre apporte une terrible nouvelle : le bel Edmond a été monstrueusement défiguré par un incendie en Italie.
Ce conte cruel met en scène une jeune fille, superficielle et élevée à l’écart de tout, la privant d’une certaine forme d’intelligence humaine. Il semble dès lors tout naturel qu’elle se laisse guider par ses élans romanesques, tombant amoureuse d’un beau jeune homme, sans réfléchir aux conséquences, avant de s’en détourner précisément parce que la physionomie de ce dernier n’existe plus. N’ayant pas appris à voir au-delà des apparences, la difformité de son mari la place face à ses contradictions, l’empêchant même de ressusciter l’amour qui avait existé, bien que pour un temps fort bref. La voilà plongée dans ce que l’auteur appelait les « petites ironies » de la vie. La suite de la nouvelle la laissera sous le joug de Lord Uplandtowers, enfin victorieux mais dont le désir (thème audacieux pour l’époque !) parait destiné à être frustré, tandis qu’il tente de s’attirer les faveurs de Barbara par des moyens toujours plus pervers.
Comme souvent chez Hardy, la destinée est en marche, et les personnages souffriront longtemps de leurs erreurs passées, enferrés dans une malédiction qui semble ne jamais avoir de fin. Le romancier semble creuser en partie dans sa propre histoire puisque lui-même avait épousé une femme appartenant à une classe sociale bien supérieure à la sienne, ce qui lui valut des années d’humiliations et de regrets. Il n’est pas étonnant à cet égard qu’il explore dans son oeuvre à quel point les ambitions sociales et le poids des convenances empoisonnent l’attachement amoureux.
Ma note (4,5 / 5)
Éditions du Rocher, traduit par Diane de Margerie, 31 janvier 2008, 84 pages
Voilà qui pourrait bien ma plaire ! merci pour cette belle chronique.
Bonne journée !