La Colline aux Gentianes – Elizabeth Goudge

Premier coup de coeur littéraire de l’année 2021 avec ce magnifique roman qui m’a émue aux larmes. Après avoir découvert Elizabeth Goudge, cette romancière anglaise inexplicablement méconnue, avec Le Pays du Dauphin-Vert, puis L’Arche dans la tempête, La Colline aux Gentianes s’impose comme mon préféré jusqu’ici.

« L’amour de Dieu, l’amour de la patrie, l’amour de la gloire, l’amour d’une petite fille, l’amour des étoiles dans le ciel de minuit, toutes ces tendresses vous arrachent à vous-même et à votre épouvante. »

Devon, 1805. L’Angleterre est sur le qui-vive, et la marine cherche sans cesse à recruter des marins pour renforcer son armée. Parmi eux, se trouve un jeune garçon de quinze ans, orphelin et enrôlé sur le bateau d’une lointain cousin. Cela ne fait que quelques mois qu’il est parti, et il déteste tout de cette vie : la violence à bord, l’enfermement, la puanteur, le mal de mer, l’effroi suscité par la guerre. Il décide de déserter lors du mouillage de son navire sur les côtes de Torquay. Épuisé, affamé, il tente de trouver un travail mais son apparence lui vaut la méfiance des fermiers qui ne veulent pas avoir maille à partir avec la marine. Il arrive finalement aux abords d’une ferme, et rencontre la petite Stella, onze ans, qui lui offre un diner et son amitié. Stella est une petite fille douce, aimable, vive, intelligente, s’émerveillant des mille et unes beautés du monde. Sa bonté, son naturel et sa générosité attirent à elle de nombreuses âmes dont la vie en sera transformée. Elle sait qu’elle a été adoptée à l’âge de deux ans par un couple de fermiers après le naufrage qui coûta la vie de sa mère, et elle les aime profondément, bien qu’elle se sente parfois un peu étrangère, un peu différente. Sa personnalité a d’ailleurs sauté aux yeux du gentil docteur des environs, qui a depuis quelques années décidé, en dépit de la désapprobation de ses parents, de se charger de son éducation. Lorsqu’elle croise la route de celui qui se présentera comme Zachary de la Lune, c’est la rencontre de deux âmes soeurs qui se reconnaissent. Un lien se noue immédiatement entre eux, qui malgré les obstacles et les éloignements, demeurera inaltérable.

« Il éprouvait au fond du coeur, sans pouvoir l’analyser clairement, une nostalgie inexplicable. Depuis que Zachary avait vu Stella, cette nostalgie ne lui semblait plus inexplicable : en ce bas monde, chacun a besoin de quelqu’un qui soit pour lui comme une autre main. L’on ne peut pas faire grand-chose avec une seule main ; c’est avec les deux mains que l’on étreint l’or des épis et le bol de lait écumeux ; avec les deux mains que l’on bâtit une maison ; avec les deux mains jointes que l’on prie. »

Ce roman est une merveille de tendresse, de douceur et de magie. Elizabeth Goudge déploie des trésors de sensibilité et d’émotion, et sa plume est, une nouvelle fois, immensément poétique. Dans ce roman dense et peuplé de personnages d’une grande finesse psychologique et plus attachants les uns que les autres, se mêlent histoire d’amour, histoires de marins, légendes locales, rêves éveillés et récits historiques qui nous replongent dans l’effroi de la Terreur et des guerres napoléoniennes. Les relations entre les personnages sont bien plus profondes qu’il n’y parait au premier abord, et il y a là l’essentiel de l’amour et de la vie. Les descriptions de la nature et de l’épanouissement de l’Homme au sein de son environnement sont incroyablement belles. Elizabeth Goudge sublime la tragédie humaine qui recèle parfois ses bulles de douceur et d’humanité pure, et souligne sans mièvrerie aucune la puissance de la famille, de la terre, de l’amour, de la foi.

« Chacun suit son étoile de souffrance en souffrance, car il sait qu’elle ne le trompera pas et qu’à la fin du voyage ses innombrables lumières se rejoindront en une seule nappe de clarté. »

J’ai été immédiatement emportée par la bouffée romanesque qui émane de ce livre auquel je crains de ne pas rendre pleinement justice en quelques lignes. Ce roman lumineux se lit avidement, se vit intensément, et laisse une empreinte profonde dans mon coeur de lectrice.

Ma note 5 out of 5 stars (5 / 5)

Éditions Libretto, traduit par Yvonne Girault, 19 décembre 2012, 496 pages

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