La neige noire – Paul Lynch

« La terre est généreuse à celui qui n’exige rien. »

Après mon coup de coeur pour Grace, j’avais envie de découvrir les autres romans de Paul Lynch. On retrouve dans La neige noire le style hypnotique et évocateur de l’auteur, magnifiquement retranscrit par une excellente traduction.

Barnabas Kane et sa femme Eskra sont les descendants de ces émigrés irlandais réfugiés aux États-Unis après la Grande Famine. Désireux de renouer avec leurs racines, ils sont revenus s’installer dans le Donegal, y ont construit une ferme et acheté des terres et du bétail. Une vie de labeur et de réussite durant dix ans, pendant lesquels ils se sont réjouis que leur fils Billy, à présent âgé de 14 ans, grandisse sur la terre de leurs ancêtres. Mais on oublie le lot d’épreuves menaçant les fermiers. Un jour de l’automne 1945, un incendie ravage leur étable, tuant toutes leurs bêtes ainsi que leur métayer et ami, Matthew Peoples. C’est le début d’une longue descente aux enfers, et ils vont s’apercevoir que leur retour au pays n’a pas été si bien accepté que cela par leurs voisins.

« La nuit est sombre et froide, et dans le rude hiver de son âme, les loups rôdent sans se cacher sur les sentiers glacés. »

Tour à tour on se glisse dans les pensées de Barnabas, d’Eskra, et de Billy. Le père s’effondre, écrasé par la responsabilité d’avoir causé la perte de Matthew, tourmenté par leurs économies parties en fumée, furieux de tous ces racontars qui se murmurent dans son dos. La mère flanche, perd confiance en son mari, regrette leur départ des États-Unis pour cette terre hostile et isolée où rien n’a changé depuis quarante ans. Le fils est un adolescent rebelle, mal dans sa peau, qui doute de ses fréquentations. Barnabas pensait avoir des amis mais il suspecte à présent tous ses voisins, convaincu que l’incendie n’était pas accidentel mais criminel.

Il ne se passe somme toute pas grand chose dans ce roman calqué sur un quotidien obscur et dur. On regarde la famille se débattre, se déchirer, tenter de trouver des solutions avant de s’enfoncer encore plus dans une situation inextricable, refusant les mains tendues et doutant de tout et de tout le monde. À travers eux, c’est le mal-être de tous ces « faux-pays » qui s’exprime, ces émigrés revenus en Irlande et suspectés de trahison envers leur peuple, jalousés pour leur réussite et abandonnés à leur sort en cas de besoin. Ce roman transpire l’inflexible austérité de la ruralité irlandaise encore traumatisée par la Grande Famine (entre 1845 et 1852) et qui se remet difficilement de la désertion massive de millions d’Irlandais vers les États-Unis, l’Angleterre ou encore le Canada. Un monde rural refusant également parfois la modernité, enfermé dans des croyances ancestrales et des superstitions de mauvaise augure.

« Je suis originaire de ce pays, mais je n’en fais pas partie. Voilà pourquoi on ne peut attendre que des ennuis de ces gens. Rien de bon. »

Paul Lynch excelle à insuffler toute l’âme et les souffrances irlandaises dans ses romans. Porté par une plume splendide et immensément poétique, le roman nous plonge dans ces paysages aussi sublimes qu’inhospitaliers, où survivre est une lutte de tous les instants. L’atmosphère est pesante, oppressante, à l’image des habitants de cette petite ferme qui dérivent dans le désespoir. Un roman ensorcelant et d’une grande puissance.

Ma note 3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Éditions Livre de Poche, traduit par Marina Boraso, 8 novembre 2017, 312 pages

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