Jours d’hiver – Bernard Maclaverty

Résumé :

Gerry et Stella. Ils sont ensemble depuis si longtemps que les années ne se comptent plus. Chacun a une forme d’addiction qu’il tente de cacher à l’autre : Gerry à l’alcool ; Stella à la religion. Les quelques jours de vacances à Amsterdam qu’ils ont décidé de prendre agissent comme une sorte de révélateur : les vieux amants vont-ils résister à la promiscuité, aux longues heures de tête-à-tête ?

« – Je ne fais qu’explorer des pistes. – Et si tu trouves ce que tu recherches ? – Ce sera bien, mais je sais que ça mènera à d’autres questions plus complexes. – Et moi, et nous, où est-ce qu’on se situe là-dedans ? – Ailleurs. »

Mon avis :

Je suis assez mitigée sur cette lecture. D’un côté j’ai trouvé que cette autopsie d’un mariage était extrêmement fine et touchante, mais dans le même temps ce roman m’a paru horriblement long.

Il ne s’y passe en effet pas grand chose. Stella et Gerry forment un couple de retraités, mariés depuis des décennies, parents d’un fils d’une quarantaine d’années qui vit au Canada avec sa famille. Ils ont décidé de partir quelques jours à Amsterdam pour tromper l’hiver et la monotonie, mais cette proximité brutale et les aléas du voyage mettent durement à l’épreuve leur harmonie. Leur relation s’est usée, marquée par les épreuves, par les ébranlements politiques de l’Irlande, ainsi que par l’évolution de leurs personnalités et de leurs aspirations. Stella est affolée par le temps qui passe, désabusée par l’éloignement de son fils et petit-fils, et cherche un sens à sa vie avant qu’il ne soit trop tard. Elle se réfugie de plus en plus dans la religion, au grand dam de son mari, profondément athée. Gerry quant à lui, vit essentiellement dans le passé, se remémorant des moments clés de sa vie. Depuis des années maintenant son alcoolisme lui échappe, bien qu’il tente tant bien que mal de cacher l’étendue de son addiction à Stella. La religion et l’alcool : deux fossés qui les séparent un peu plus chaque jour. Entre visites de musées, promenades, et restaurants, malaises et fatigues, espoirs et désillusions, Stella et Gerry ont de plus en plus de mal à se comprendre et à se faire comprendre. La longévité d’un couple lui promet-il une solidité à toute épreuve ? C’est ce que leur séjour leur révélera.

« Une seule pensée pouvait la projeter soixante ans en arrière. Et pourtant il y avait d’immenses blancs, des périodes dont elle ne se rappelait rien. Où étaient-ils passés, tous ces souvenirs ? Elle pria pour que ceux qui lui restaient ne s’envolent pas tous d’un coup comme les pigeons dans le parc. »

L’analyse psychologique de ces deux personnages, attendrissants chacun à leur manière, est superbement menée. Nous sommes plongés au coeur de leurs pensées, de leurs souvenirs, de leurs souffrances et de leur désarroi. Cet état des lieux d’un mariage est extrêmement pertinent et lucide, égrenant sans concessions les écueils auxquelles se heurtent les relations les plus solides en apparence. Mais j’avais parfois l’impression que cela n’en finirait jamais et qu’on tournait un peu en rond. De même, le récit qui est fait du drame survenu des années auparavant, et qui avait marqué leurs existences, est bien trop long à se dévoiler, avec des bribes révélées à l’arrachée sans qu’il n’y ait un intérêt précis subséquent, si ce n’est inclure dans le roman le quotidien des Irlandais, en particulier ceux habitant Belfast, durant le conflit nord-irlandais.

C’est dommage, l’idée était belle, l’écriture travaillée, et les personnages attachants, mais finalement le roman m’a laissé une impression triste et morne. Le récit manque cruellement de rythme et de souffle. Cela m’a paru bien éloigné de ce qui caractérise de nombreux romans irlandais : une certaine violence dans les émotions, un mélange de douceur et de brutalité, des personnages écorchés vifs et poignants.

Ma note 3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

 

Éditions Rivages, traduit par Cyrielle Ayakatsikas, octobre 2019, 300 pages

 

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