
Résumé :
Alexandr et Christine, Lydia et Zachary partagent une amitié très intime depuis leur rencontre alors qu’ils avaient 20 ans. Trente ans plus tard, Alex et Christine reçoivent un appel bouleversé de Lydia : Zach est mort. Ce décès les touche profondément : tous s’accordent pour dire que Zach était le plus sain et le plus gentil d’entre eux, celui qu’ils ne pouvaient se permettre de perdre. Plutôt que de les rapprocher, la perte de Zach déforme leur relation, faisant remonter à la surface les enchevêtrements passés, les griefs tus.
« Parfois, ces deniers temps, j’ai l’impression que je pourrais presque me passer du présent. Le passé me suffit, il suffit à ma vie. »
Mon avis :
Tessa Hadley a le don des huis clos qui interpellent. Dans Le passé, les membres d’une famille se trouvaient face à face le temps de dernières vacances dans la maison d’enfance. Dans Occasions tardives, les personnages sont cette fois enfermés dans une amitié, intime, ancienne et complexe.
Un soir, le téléphone sonne. C’est Lydia qui appelle au domicile de Christine et d’Alex. Son mari, Zachary, leur ami, vient de mourir d’une crise cardiaque. Cette incursion brutale du deuil va conduire une amitié aux apparences banales au bord de l’implosion. Ce sont deux couples de quinquagénaires londoniens, versés dans l’art et dans les longues discussions existentielles ; Lydia et Christine sont des amies d’enfance, tout comme Alex et Zachary. Par le jeu d’une valse virevoltante, les quatre amis vont devenir deux couples, peut-être pas ceux que l’on attendait au départ. Ils sont irrémédiablement unis, et pourtant la perte de Zachary, l’incarnation même de la jovialité et de la stabilité, va fissurer toute leur dynamique. Le récit alterne entre leur gestion d’un nouvel état des choses, et des incursions dans leur passé, révélant les petites failles qui avaient un temps semblé anodines mais qui pourtant faisaient reposer leur relation sur un bien fragile équilibre.
« Est-ce que ça touche à sa fin, tu crois ? Notre sensibilité bourgeoise. Toute notre tristesse et notre subtilité, nos arrangements compliqués. »
Tessa Hadley excelle à dérouler lentement les fils de cette amitié qui intrigue, questionnant les associations entre des personnalités si différentes, révélant les incompréhensions et les blessures impossibles à refermer, bouleversant les certitudes lourdement acquises. Avec beaucoup de subtilité, elle rappelle à quel point les personnes peuvent changer, et combien on se connait peu soi-même, hanté par les spectres du passé et par des choix teintés parfois de regrets et d’amertume. Les thèmes abordés jouent avec les ressorts de l’intime : la fulgurance du deuil, la douleur de l’exil, le temps qui passe, la féminité, les complexités de l’intelligence, les défis du mariage et les sources de bonheur domestique…
« Quelque chose de cruel et de froid était remonté à la surface de sa vie, c’était épouvantable et exaltant. Il sentit le souffle minéral de la rivière, il entendit les coups lents provenant d’un des pontons fixes, arrimé dans le courant. »
Un roman habilement mené, que j’ai trouvé bien plus réussi que le dernier.
Ma note (4 / 5)
Éditions Christian Bourgois, traduit par Aurélie Tronchet, 22 août 2019, 320 pages