La Couleur des ombres – Colm Tóibín

Résumé de la quatrième de couverture :

Une jeune fille hérite d’une maison, un homme contemple une vague, un autre son amant, une femme agonise et un fils se souvient… Tous ont quitté leur famille, leur passé, leur pays. Libérés, mais hantés par d’éternels fantômes, ils reviennent, parfois contraints, à leur terre natale (…)

« La lune pèse sur le Texas. La lune est ma mère. Elle est pleine ce soir et d’une luminosité plus intense que n’importe quel éclairage au néon ; il y a des replis rouges dans l’immensité de son ambre. Peut-être est-ce une lune de moissons, une lune comanche. Jamais je n’ai vu une lune aussi basse et comme saturée de son propre éclat. Ma mère est morte depuis six ans ce soir, l’Irlande est à six heures de distance, et tu dors. »

Mon avis :

J’ai toujours autant de plaisir à retrouver Colm Tóibín et sa prose, mais ces nouvelles sont assez éloignées de ce que j’ai pu lire de cet auteur jusqu’à présent. Ce qui m’avait plu dans ses romans, le temps et l’attention qui étaient dédiés à des personnages forts, Nora Webster, le juge Eamon Redmond ou la jeune Eilis, sont ici radicalement réduits à de vagues aperçus.

Les neuf nouvelles ont toutes en commun le thème de l’exil. Tous les protagonistes de ces histoires ont quitté leur pays d’origine, et soit y reviennent, parfois contraints et forcés, parfois ravis ; soit ils n’ont aucun espoir de retour et doivent apprendre à se contenter de cette nouvelle terre d’accueil. Ils ont tous également un petit quelque chose de décalé, qui les met à part de la société, qui les fragilise. En s’éloignant de leur pays, ils se sont éloignés du monde, de leur famille, et tous ont une brèche qu’ils cherchent à combler. Ils sont en quête d’identité, et en quête de réponses sur leur passé. On y retrouve enfin certains des thèmes fétiches de l’auteur : l’Espagne, où il a vécu de nombreuses années ; Henry James, à l’honneur dans la seconde nouvelle ; et l’homosexualité, notamment dans les dernières nouvelles qui adoptent parfois un ton très cru.

« Certains attachements sont d’une nature élémentaire, sans lien avec notre volonté, et ils nous viennent par là même teintés de souffrance, de manque, de regret et d’un sentiment qui, si j’étais capable de l’éprouver, ressemblerait à de la colère. »

J’ai trouvé le recueil très inégal, certaines nouvelles m’ont énormément touchée, d’autres m’ont laissée totalement de marbre. J’ai aimé celles qui exploraient les liens familiaux, en particulier les relations mères-fils. Ainsi, la toute première nouvelle du recueil, intitulée « Un moins un », m’a émue aux larmes. Dans une lettre à son ex-amant, un homme raconte le jour où il a dû se précipiter en Irlande au chevet de sa mère mourante. Les souvenirs se télescopent, souvenirs d’enfance, souvenirs d’un amour perdu, les regrets des relations inachevées et de la vie qui passe. Une simplicité à laquelle fait écho « La couleur des ombres », dans lequel un homme doit faire ses adieux à sa tante, qui l’a élevée après l’abandon de sa mère, alcoolique. Les anciens amants sont souvent présents, à l’instar de « Deux femmes », dans laquelle une décoratrice âgée revient à Dublin travailler sur un tournage, et repense à l’amour de sa vie, mort auprès d’une autre femme ; ou encore « La Famille vide » dans laquelle un homme revient s’installer après des années d’absence à Enniscorthy, près de la famille de son ex-compagnon. Tous les jours, il part observer les vagues, et laisse son esprit s’égarer. Il y a beaucoup de pudeur et de retenue, et une émotion à fleur de peau superbement retranscrite dans ces lignes.

« Peut-être est-ce la raison pour laquelle je suis ici maintenant, loin de l’obscurité irlandaise, loin du long hiver profond qui assied son emprise de façon si menaçante sur l’endroit où je suis né. J’ai échappé au vent d’est. Je suis quelque part où le vide n’a jamais été plein. Où ce qui a peut-être existé un jour est balayé et oublié au fur et à mesure. »

La plume de Colm Tóibín est toujours superbe, mais c’est tout de même une lecture un peu en demi-teinte et j’ai de très loin préféré ses romans, à la psychologie plus fouillée et où l’Irlande est bien plus présente. J’ai tout de même envie de récidiver avec L’épaisseur des âmes (également des nouvelles), qui parait-il est davantage réussi. À suivre !

Ma note 3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

 

Éditions 10/18, traduit par Anna Gibson, 20 août 2015, 288 pages

4 commentaires sur “La Couleur des ombres – Colm Tóibín

  1. Je n’avais lu que Brooklyn de cet auteur mais je l’avais tellement aimé… Il faudrait vraiment que je lise ses autres romans !
    Pas sûre de commencer par ce recueil de nouvelles ceci dit…

    1. Non ce n’est peut-être pas l’idéal pour commencer, ses romans sont magnifiques, essaie Nora Webster !

Répondre à laroussebouquineAnnuler la réponse.