
Résumé :
7 août 1974, un funambule s’élance entre les Twin Towers, se jouant du vide. De cette apparition fugace, Colum McCann déroule le panorama d’un New York en pleine ébullition : grandes dames de Park Avenue, prostituées épuisées, curés égarés, junkies en cavale, mères pleurant la « sale guerre ». Une ronde de personnages dont les voix s’entremêlent comme autant de fils tendus sur la course du monde.
Mon avis :
Un homme s’élance au-dessus du vide, entre les deux tours du World Trade Center. Comme une crânerie d’enfant, comme une provocation à la force de la gravité, comme un défi à l’absurdité de la vie, comme un pied de nez à l’avenir et ses événements tragiques, l’ombre du 11 septembre 2001. Un épisode qui paraît prémonitoire, immortalisé à jamais sur une photographie reproduite dans le roman.
« Un homme là-haut dans les airs, tandis que l’avion s’engouffre, semble-t-il, dans un angle de la tour. Un petit bout de passé au croisement d’un plus grand. Comme si le funambule, en quelque sorte, avait anticipé l’avenir. L’intrusion du temps et de l’histoire. La collision des histoires. »
En bas, au milieu des centaines de badauds ahuris, vont se télescoper des destins. Le narrateur, que l’on découvre enfant dans le Dublin triste des années 50, venu retrouver son frère, un homme de foi un peu perdu dans sa vocation, oeuvrant auprès des plus faibles dans le Bronx. Des prostituées de mère en fille, qui se demandent comment elles ont pu faillir auprès de leurs enfants à ce point. Des mères de soldats décédés au Vietnam, qui se retrouvent pour parler de leurs enfants, mais qui au fond, de Park Avenue au Bronx, n’ont rien en commun. Un juge englouti par le système et de plus en plus indifférent aux affaires portées dans sa salle d’audience. Un couple d’artistes camés sur le bord de la rupture après avoir causé une tragédie. Des personnages qui ne devraient rien avoir les uns avec les autres, et qui vont se trouver liés à jamais le temps de l’incroyable traversée de cet acrobate des airs.
« Pas à pas, nous trébuchons dans le silence, à petits bruits, nous trouvons chez les autres de quoi poursuivre nos vies. Et c’est presque assez. »
Colum McCann excelle à dépeindre les plus fragiles, ces âmes brisées, maltraités par la vie et par leurs contemporains. Des personnages sur lesquels personne ne se retourne, pour lesquels personne n’a d’attention. Et pourtant ils se retrouvent au coeur de ce roman qui les magnifie, qui les remet au centre de tout, qui les relie entre eux et leur redonne dignité et humanité. Le laid et la douleur retrouvent grâce et poésie.
« La seule chose qui valait une larme, ce sont toutes ces beautés que la vie peut offrir, et dont le monde n’a pas les moyens. »
Un style âpre, précis, incisif, et un roman percutant, qui nous plonge dans l’effervescence de New-York et d’une époque, d’une génération qui a connu les affres de la guerre du Vietnam, de la lutte pour les droits civiques, et où les marginaux et les laissés pour compte emplissaient les rues. La détresse de ces personnages est poignante, prisonniers luttant comme le funambule sur la corde raide de la vie. Et pourtant ils vont peu à peu retrouver leur équilibre, et poursuivre leur course folle dans l’existence, s’appuyant sur les autres au gré d’improbables rencontres.
Ma note (4 / 5)
Bonjour Charlotte, moi aussi j’avais lu ce livre à sa sortie ,il y a quelques années après avoir lu » Le Danseur » sur Noureïev. J’aime beaucoup cet auteur pour sa façon de décrire la vie des gens avec finesse. mais vous l’écrivez mieux que moi. En tout cas vous m’avez donné l’envie de le ressortir de ma bibliothèque ou il somnole gentiment. Merci pour vos commentaires toujours aussi intéressants.
Merci beaucoup ! Oui l’auteur a une façon bien à lui de rentrer dans l’intimité de ses personnages…