Une douce lueur de malveillance – Dan Chaon

Résumé :

Dustin Tillman est psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu’il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d’être libéré de prison. C’est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin s’attend au pire.

Au même moment, l’un de ses patients, un policier en congé longue maladie, lui fait part de son obsession pour une étrange affaire : la disparition de plusieurs étudiants des environs retrouvés noyés, y voyant la marque d’un serial killer.

« Elle ressentait sa présence, comme celle de la maison et de l’arbre mort, et elle percevait le pouls des grillons – et de tous émanait une douce lueur de malveillance. »

Mon avis :

Que j’aime les romans qui me bousculent ! J’ai été totalement fascinée par celui-ci, que je n’ai pas pu lâcher avant la fin. C’est un roman extrêmement original, ne serait-ce que par sa construction, qui peut dérouter. Dan Chaon s’amuse à casser les codes du genre, de la syntaxe et de la chronologie.

Que s’est-il réellement passé il y a trente ans ? Les souvenirs des uns et des autres ressortent de manière débridée. Rusty est-il vraiment innocent, et s’il l’est, qui est coupable du meurtre des parents de Dustin ? Pourquoi ce dernier avait-il été si convaincu de la culpabilité de son frère adoptif, au point de témoigner contre lui au procès avec des déclarations accablantes ? L’auteur nous malmène, distillant les informations au compte goutte, et alternant les points de vues, avec autant de souvenirs différents. Dès lors, est-ce qu’un souvenir est forcément réel ?

« Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une. »

En parallèle de cette plongée dans le passé, Dustin se voit de plus en plus accaparé par une affaire de meurtres présumés pour laquelle Aqil, un ancien policier mais aussi l’un de ses patients, sollicite son aide. Plusieurs jeunes étudiants ont disparu du jour au lendemain, avant d’être retrouvés quelque temps plus tard dans un cours d’eau. Tous étaient fortement alcoolisés, et chaque fois il a été conclu à une noyade accidentelle, sans qu’aucun lien ne soit fait entre eux. Désireux de s’extraire de sa vie de famille qui a pris un tournant tragique, Dustin va se laisser prendre au jeu de l’obsession quelque peu malsaine d’Aqil, et la relation entre thérapeute et patient va peu à peu basculer dans une camaraderie étrange de détectives amateurs, sur la piste de ces disparitions auxquelles personne ne s’intéresse.

Au fur et à mesure, l’intrigue se déroule lentement, et pourtant on ne peut s’empêcher de penser que l’essentiel est ailleurs.

« Tu le sens dans ton dos, sur ton visage : il y a une présence qui ne t’aime pas. »

Dans ce roman psychologique plein de noirceur, l’auteur explore la frontière entre folie et raison, entre vérité et mensonge, entre rêve et souvenir, jusqu’à l’obsession. Hypnose, hallucinations, rites sataniques… la conscience se joue du réel.

On est frappé par la force des portraits dressés par Dan Chaon. Au premier chef bien sûr, Dustin, dont l’esprit vacillant est littéralement disséqué par l’auteur. Il oscille entre l’homme en apparence solide, marié, père de deux fils, psychologue reconnu, et l’adolescent qu’il était à l’époque du drame : naïf, influençable, sous le joug de son frère adoptif et de ses cousines, plus âgés. La sortie de prison de Rusty, qu’il cache à tout le monde, l’ébranle et on le sent perdu dans ses souvenirs, entre fantasme et réalité. Vient également Aaron, son plus jeune fils, noyé dans l’alcool et les drogues, se trainant dans la vie dans l’indifférence la plus totale, et dont le meilleur ami va disparaître inexplicablement ; puis Aqil, un flic mis au repos forcé pour des raisons inconnues, manipulateur et obsédé par cette affaire irrésolue ; Kate, la cousine apeurée ; et bien sûr Rusty.

« Que dit-on de quelqu’un qui est incapable de distinguer ce qui est réel de ce qui ne l’est pas ? »

Un roman dérangeant qui nous plonge dans une atmosphère extrêmement sombre et angoissante, totalement obsédante. Le texte est très original, avec des espaces, des vides, des colonnes qui surgissent tout à coup, au point où je me suis demandée au début si mon exemplaire n’avait pas un défaut d’impression ! Une mise en scène qui sert l’intrigue, dans laquelle on se laisse emporter. Peu à peu on perd pied dans les ténèbres. C’est brillant et surtout absolument déconcertant. Car au final c’est Dan Chaon qui noie son lecteur, victime des doutes, des secrets, des souvenirs, des mensonges, des silences pesants et révélateurs. Un véritable tour de force !

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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4 commentaires sur “Une douce lueur de malveillance – Dan Chaon

  1. Je crois que je vais faire un écart et acheté un livre grand format surtout si la mise en forme sert le fond de l’histoire et que formes et histoire s’harmonisent parfaitement.

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