
Résumé :
Une femme, écrivain, face aux assauts de la vieillesse. Chaque jour qui passe la rapproche de l’ombre, et elle constate, avec calme et lucidité, la déliquescence de ses facultés mentales. Autour d’elle se pressent les enfants, qui s’inquiètent pour elle, l’admonestent de quitter l’Australie pour les rejoindre. Elle s’y refuse pourtant, préférant affronter l’inéluctable dans la liberté et l’indépendance de la solitude, s’interrogeant jusqu’au bout, sans relâche, sur le sens de sa propre existence et sur la nature profonde de notre humanité.
« Tout comme le printemps est la saison qui regarde l’avenir, l’automne est la saison qui regarde vers l’arrière. Les désirs conçus par un cerveau automnal sont des désirs d’automne, nostalgiques, entassés dans la mémoire. Ils n’ont plus la chaleur de l’été. »
Mon avis :
Pour commencer, la forme même de l’ouvrage est déconcertante : est-ce un recueil de nouvelles ou bien un roman ? Ce sont sept tableaux, qui s’étalent sur quinze ans, et qui à première vue n’ont pas de rapport les uns avec les autres. Ils traitent tous d’une femme, et à partir de la quatrième nouvelle un nom nous est donné : Elizabeth Costello. S’agissait-il déjà d’elle dans les nouvelles précédentes, des fragments de souvenirs avant de revenir au présent : celui d’une femme au crépuscule de sa vie ? Ou bien s’agissait-il de la femme de manière générale, ou plus exactement, de fragments d’âme ?
Les trois premières histoires paraissent en effet universelles : dans la première, c’est la peur qui est au premier plan, la peur d’une femme face à un chien menaçant, et comment cette peur la définit. Puis vient une histoire du désir, le désir d’une femme adultère d’être elle-même désirée par un homme. Enfin, la troisième histoire traite de vanité, celle d’une femme vieillissante prête à toutes les extravagances pour qu’on la regarde à nouveau.
« Elle a construit a vie sur l’ambivalence. Où en serait l’art de la fiction s’il n’y avait aucun double sens ? Que serait la vie même s’il n’y avait que des têtes et des queues, sans rien au milieu ? »
Le basculement se fait ensuite. Nous faisons la connaissance d’Elizabeth Costello, écrivain, qui se voit décliner lentement, sous le regard inquiet de ses enfants. Est-ce elle qui songe à cette mosaïque d’épisodes de sa vie ? Pourquoi a-t-elle été marquée en particulier par ceux-là ? Est-ce parce que ce sont ceux qui sont particulièrement révélateurs de son être, de sa personnalité ?
Cette femme nous est donnée à voir en particulier sous le prisme de ses relations avec ses enfants. Parmi les discours littéraires et philosophiques, ceux sur la condition animale, ou encore sur le sens de l’Histoire, se trouve une question plus fondamentale, abordée par eux avec pudeur et timidité : la fin de sa vie. Ses enfants s’efforcent de lui accorder la liberté dont elle a besoin, ce reste d’humanité qui lui permet de décider pour elle-même ce qu’elle souhaite faire de ses derniers moments. Mais ils sont également dans leur rôle d’enfants inquiets face à une mère un peu fantasque, qui les reprend systématiquement et tente de leur imposer ses vues, pas forcément très démonstrative. L’incompréhension est dès lors inévitable entre eux, chacun jouant le rôle qu’il s’est cru voir accorder et dansant autour d’un sujet qu’ils n’ont pas le courage d’affronter.
« Tout ce que je vois, tout ce que je dis est frappé par le regard en arrière. Que me reste-t-il ? Je suis celle qui pleure. »
Il est frappant de constater tout au long du récit des liens sous-tendus : les rapports de l’homme avec l’animal, et avec la littérature. Dans ces pages, Coetzee souligne à quel point l’animal et la littérature ont ce pouvoir commun d’être un miroir de notre propre identité, de nos caractères humains, de ce qui constitue l’être, ou l’âme. L’ouvrage est intéressant parce qu’il interpelle le lecteur, avec des questions que nous nous posons tous : qu’adviendra t-il de nous, de nos pensées, de nos désirs, de ce qui a constitué notre être intime, lorsque nous disparaitrons ? En découle aussi par conséquent la question de la transmission, parce qu’on sent bien que, la conscience de son propre déclin s’accentuant petit à petit, Elizabeth Costello cherche à passer le relai à ses enfants.
« J’étais habituée à franchir les étapes, mais il semble que je ne la porte plus en moi, cette faculté. Les rouages se grippent, les lumières s’éteignent. Le mécanisme auquel je me fiais pour passer à l’étape suivante ne semble plus fonctionner. »
J’ai préféré les premiers textes aux derniers ; les histoires y sont certes plus simples, moins tortueuses, mais elles recèlent également une vérité profonde : la peur, le désir, la vanité, ce qui est au coeur de l’humain. Un roman, servi par une langue pure, sobre, poétique, et très juste, qui invite à la réflexion sur des questions essentielles et universelles.
Ma note (3 / 5)
Moi ce récit m’a beaucoup touchée, émue, l’écriture est très belle, un homme qui parle si bien des sentiments féminins etc….. Une belle découverte 🙂