Avec vue sur l’Arno – E.M. Forster

Résumé :

Miss Bartlett ne s’en remet pas : pour son premier voyage à Florence, sa jeune cousine Lucy devait bénéficier d’une chambre avec vue. Comment la tenancière de leur pension a-t-elle pu si cruellement les décevoir ? Tandis que la jeune fille et son chaperon accusent ce terrible coup, M. Emerson et son fils George, également pensionnaires, ont l’impertinence de proposer leurs propres chambres, qui, elles, ont vue sur l’Arno. Son éducation prévient Lucy contre les Emerson, mais son instinct lui suggère que le mal n’est pas grand…*

« C’est la fatalité qui m’a conduit ici. Vous pouvez bien l’appeler Italie si cela vous soulage. »

Mon avis :

Quelle fraîcheur et quelle modernité ! J’ai adoré ce roman, satire infiniment drôle des convenances et des préjugés répandus dans la bonne société anglaise du début du XXe siècle.

« Ils avaient atteint le point où le caractère a son mot à dire et où l’Enfance s’engage sur le chemin bifurquant de la Jeunesse. »

C’est un roman d’apprentissage, le passage à l’âge adulte d’une jeune fille, Lucy, impressionnable et corsetée, qui découvre le monde et la subtilité des psychologies humaines. Elle est au début du roman en voyage à Florence avec sa cousine, une vieille fille respectable et plus pauvre que Lucy, très à cheval sur ce qui est convenable ou pas pour une jeune fille de bonne famille. Miss Bartlett est ainsi outrée de constater à leur arrivée à Florence qu’elles ne disposeront pas de chambres avec vue. La proposition d’un échange de chambres que s’empresse de formuler leur voisin, Mr Emerson, bien que généreuse, est pourtant immédiatement jugée cavalière et grossière. Ce ne sera que le premier point de friction avec cet homme et son fils George, qui feront tous deux grand effet sur Lucy, partagée entre la réserve que son éducation semble lui imposer, et l’attrait inévitable qu’ils exercent sur elle.

« Elle avait l’habitude de voir ses pensées confirmées, ou, au moins, contredites par autrui ; elle jugea terrible cette incertitude où rien ne vous assure qu’on pense bien ou mal. »

Enfermée dans les convenances et préoccupée par la volonté de faire ce qu’il faut, Lucy s’en libère petit à petit et se forge sa propre opinion sur le monde qui l’entoure. La psychologie des personnages est très fine, le récit s’attardant au fil des rencontres et des conversations sur les pensées de chacun, montrant le gouffre entre le raisonnement intérieur et la façade que chacun se doit de présenter. Un monde d’hypocrisie et de faux-semblants, que l’auteur tourne en ridicule, pointant du doigt l’obsession des petits bourgeois à ne frayer qu’avec des gens « bien », c’est-à-dire des gens dépourvus de toute spontanéité. Il est ainsi souvent fait référence au Moyen-Âge pour souligner l’archaïsme de certaines conventions sociales, et notamment celles ayant trait aux femmes. Quel choix fera Lucy : la chambre avec vue, ou le petit monde étriqué auquel on semble la destiner ?

« Les dames, paraît-il, ne font pas cela. Pourquoi ? Pourquoi les dames font-elles si peu de ce qui est grand ? »

L’intrigue en elle-même ne diffère pas beaucoup de bien des romans anglais de cette période, et elle a bien entendu un fond romantique, ce qui ne gâche rien. Mais c’est surtout la plume d’Edward Morgan Forster qui est admirable, ainsi que son talent habile pour croquer les moeurs et les codes désuets de son époque. Ce petit roman, léger comme une brise d’été, m’a arrachée bien des sourires. C’est charmant, fin, drôle, une vraie pépite qui gagne à être connue !

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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P.S.: Ce roman a été magnifiquement adapté par James Ivory, retrouvant au passage son titre littéral : Chambre avec vue. Un véritable chef d’oeuvre du 7ème art !

*résumé de la quatrième de couverture

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5 commentaires sur “Avec vue sur l’Arno – E.M. Forster

  1. C’est l’un de mes romans préférés, je suis toujours heureuse de lire un billet sur cet auteur trop peu connu à mon goût. Je te conseille aussi « Maurice » et les adaptations de James Ivory.

  2. Forster, for ever ! C’est vraiment un auteur que j’adore. Si celui-ci n’est pas mon roman préféré (qui reste Howard’s End), il reste tout de même excellent… tout comme l’adaptation d’Ivory.

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