Indian Creek – Pete Fromm

« La neige s’empara même des dernières nuances de jaune qui ornaient les arbres et les ensevelit complètement, et il ne me resta plus que le bleu fané du ciel d’hiver et les teintes vertes et noires des arêtes interminables que formaient les sapins et les pins. »

Il était temps que je lise enfin le récit autobiographique de Pete Fromm dont on a tant parlé il y a quelques années en France ! J’avais jusqu’ici découvert l’auteur à travers ses autres romans, tels que Mon désir le plus ardent et Lucy in the sky.

À dix-neuf ans, Pete Fromm est étudiant à l’université de Missoula, et se passionne pour les récits des grands trappeurs. Il rêve de grands espaces, de communion avec la nature, et d’aventure exaltante. Il cherche un sens à sa vie et souhaite avoir une histoire à raconter, quelque chose de hors norme qui marque son avenir à jamais. Par un concours de circonstance, il répond à l’annonce d’un garde-forestier qui recherche quelqu’un pour surveiller deux millions d’oeufs de saumon dans les rivières de l’Idaho. Sans trop réfléchir, il accepte de vivre pendant six mois, seul et coupé du monde, en plein milieu des montagnes.

« En acceptant de venir ici, j’avais dans la tête une vague idée de liberté : n’obéir à personne, ne faire que ce que je voulais. Il me semblait maintenant avoir négligé le fait tout simple que, même si je pouvais faire tout ce qui me chantait, et à n’importe quel moment, il n’y avait rien à faire. »

On frissonne devant l’amateurisme et l’inconscience dont il fait preuve lorsqu’il prépare son séjour, ne s’inquiétant réellement ni de ses compétences de survie en pleine nature, ni de celles plus basiques comme cuisiner avec un minimum ou bien couper du bois pour l’hiver. Et pourtant, déterminé, il va tout apprendre, petit à petit, et se faire une place dans l’immensité sauvage. Le récit est immensément réaliste, et l’auteur parvient avec une grande précision et subtilité à faire transparaitre toute la palette de ses émotions durant cette aventure extraordinaire. La peur viendra assez rapidement, avant même son arrivée à Indian Creek d’ailleurs, mais sa fierté l’empêchera de reculer. Puis c’est l’expérience terrible de la solitude, ce fardeau qui lui pèse chaque jour un peu plus à mesure que l’hiver approche et que les températures chutent, atteignant parfois les -40°C. Sa tâche de surveillance est bien maigre face aux longues heures qu’il faut impérativement meubler pour rester sain d’esprit. Prendre ses marques prendra du temps, à mesure qu’il pare au nécessaire (couper du bois, s’habituer à chasser, préparer sa nourriture…) et qu’il s’accorde également le temps d’explorer les environs et ses habitants. Il ne restera du reste pas toujours seul : la compagnie de sa fidèle chienne Boone exceptée, les gardes lui rendront des visites régulières sinon fréquentes, les chasseurs demeureront parfois plusieurs semaines dans les environs, en quête d’un couguar ou d’un lynx. Au gré de contacts épisodiques avec eux, le jeune garçon va nourrir une réflexion sur les rapports complexes entre l’homme et la nature.

« J’avais découvert qu’il était possible de rêver en étant éveillé, un stylo à la main. »

Pete Fromm nous offre ici un magnifique témoignage et une bouffée d’air frais. On ne s’ennuie pas une minute en l’accompagnant le temps de ce long hiver dans les montagnes, et on suit avec fascination son évolution. Désespéré par l’isolement en arrivant au campement dans les premiers temps, il aura à son retour bien du mal à se réhabituer aux bruits et aux mouvements incessants de la ville et des gens. Insignifiant et fragile dans ces grands espaces sauvages et durs, il a pourtant fini par trouver sa place, tout en vouant un profond respect à l’environnement dans lequel il se trouvait. C’est un formidable roman d’apprentissage, hypnotique et haletant, où l’on oscille en permanence entre l’humour mordant de l’auteur et les quelques frayeurs vécues à ses côtés. Sans aucun doute l’un des plus beaux récits de nature writing qu’il m’ait été donné de lire !

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

Éditions Gallmeister, traduit par Denis Lagae-Devoldère, 30 avril 2010, 256 pages

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