
Résumé :
L’histoire commence là, dans une ville de bord de mer, en automne. Un homme revient et, avec lui, c’est le passé qui resurgit. Des années plus tôt, il a été condamné pour un crime, peut-être le plus impardonnable qui soit. Les gens n’ont pas oublié. Il ne revient pas demander pardon. Il veut retrouver au plus âpre de lui-même cet état d’innocence dont on l’a si violemment privé. Mais en finit-on jamais avec ses disparus et le temps d’avant ?
« Je songe à la dette que nous ne finissons pas d’acquitter à l’enfance, à la jeunesse perdue et que nous embellissons précisément parce qu’elle est perdue, aux moments de l’innocence et des possibles dont nous nourrissons le regret. »
Mon avis :
Nous voilà propulsés à Falmouth, en Cornouailles, un petit village de pêcheurs, où le climat est aussi rude et austère que les gens qui y habitent. L’existence y semble morne et malheureuse, encore plus pour ceux qui, comme Thomas Sheppard, commettent le péché ultime de revenir sur les lieux de leur crime.
« Pour eux, le temps ne guérit de rien, et il n’est pas de peine assez longue pour la faute que j’ai commise, pour le péché que je porte, pour l’infamie qui est la mienne. »
C’est un roman tout en pudeur et délicatesse. Un style fluide et agréable, avec des chapitres courts, et une plongée dans l’âme du narrateur, ce père infanticide qui retourne chez lui après avoir purgé sa peine. C’est l’histoire d’un homme blessé qui ne cherche ni le pardon ni la compréhension mais qui se confie simplement, et qui renoue avec l’espoir. Ainsi se met en place le long déroulé de ses aveux, de ce qui s’est passé pendant cette fameuse journée où il est parti en mer avec son fils de 8 ans malgré une météo dangereuse, et également de ce qu’il a vécu pendant ses cinq années d’emprisonnement.
C’est aussi une histoire de bannissements, de ceux que l’on cloue au pilori et que l’on met à la marge de la société. C’est le cas du narrateur, mais aussi des deux autres personnes à qui il va se confier : Rajiv, l’épicier qui l’invite à prendre le thé dans son arrière boutique, et Betty, tout juste sortie de l’enfance et qui lui tend la main. Des êtres que tout oppose mais qui se rejoignent dans les souffrances et l’abandon.
« Il y a des traits qu’on n’enlève pas aux gens, qu’ils portent sur eux toute leur vie, malgré la vieillesse, malgré la laideur, malgré les épreuves. Cela peut être la douceur. Ou l’enfance. Ou le malheur. »
Personne n’est fondamentalement un saint ou un salaud, tout n’est pas blanc ou noir, il faut accepter les zones grises. Thomas suscite un élan d’empathie, on est touché par la tristesse profonde d’un homme qui a l’impression d’avoir perdu ses jeunes années, par lâcheté, ou en se posant pas suffisamment les bonnes questions. Le drame qui en a fait un paria apparaît peu à peu comme le dernier maillon, presque la suite logique, d’une série de mauvaises décisions, ou plutôt de non décisions. Car il a tout subi sans poser de questions : le mariage, la paternité… Se retranchant dans la passivité, acceptant sans broncher ce que tout le monde autour de lui considérait comme un déroulé évident des événements. Sans cette fameuse sortie en bateau, qui serait-il aujourd’hui ? Sans doute serait-il resté coincé, malheureux, à Falmouth, qu’il cherchait pourtant désespérément à fuir. La véritable prison n’est peut-être pas celle que l’on croit.
Ma note (4 / 5)
Un des derniers Besson que j’ai lus avant de le retrouver avec « Arrête tes mensonges ». Je me souviens avoir été touché par le narrateur et de sa lutte pour survivre au drame.
Oui c’est la particularité de ce roman qui pousse à être ému par un personnage que tous mettent pourtant au ban de la société…
Je lis beaucoup de bien sur Philippe Besson. Je suis tentée par ce livre.