
Été 1986, Arty, 11 ans, se réveille le coeur battant, convaincu qu’une ombre malveillante a cherché à l’étrangler. Il attrape son vélo et prend la fuite dans les bois, cherchant désespérément à reprendre son souffle et à organiser ses idées pour en arriver à une conclusion : la maison est vivante, mauvaise et cherche à s’en prendre à lui. Pourtant elle devrait être familière, il y vit depuis qu’il est né, et c’est son père, architecte, qui en a élaboré les plans. Incapable de partager ses craintes avec sa mère, antiquaire, qu’il observe nettoyer des objets anciens pour les purifier, ni même avec son grand frère Franck, il tait ses intuitions, à mesure que son appréhension grandit et que ses insomnies s’aggravent. Mais si la maison est une menace, elle n’est pas la seule à chambouler l’existence du jeune Arty : il y a également l’arrivée intimidante au collège, les affres du premier amour, les terribles secrets enfouis des adultes, ou encore les bandes de caïds qui sillonnent les rues et jouent des gros bras.
À mesure que les semaines et les mois passent, les incidents se multiplient, certains anodins, d’autres gravissimes mais dont seul Arty semble percevoir l’origine. Il a le pressentiment terrible que le pire est à venir, et que la source de tous les maux réside dans cette maison. Reste à comprendre d’où provient le phénomène, afin de tenter d’y remédier. Est-elle hantée par des fantômes ? Ou simplement chargée de mauvaises ondes liées à un passé douloureux ? Arty va mener l’enquête en compagnie de ses fidèles copains d’enfance, ainsi que de la belle Anna, la seule à qui il parvient à se confier et qui le croit sans l’ombre d’un doute. Le lecteur se replonge avec délice, en compagnie de cet apprenti détective à la recherche d’indices, dans les classiques du genre, tant littéraires que cinématographiques : La maison des damnés, Amityville, Les Innocents, Alien, Le Jour des morts-vivants, ou encore Massacre à la tronçonneuse.
Ce premier roman impeccablement mené décrit magistralement les affres de l’adolescence, ce tourbillon de questionnements sans fin, ces angoisses inexplicables et dévastatrices, ce débordement d’émotions. Arty est un jeune héros terriblement attachant, qui alterne entre les profondes angoisses et les grands bonheurs qui jalonnent ce passage délicat entre deux mondes, avec les désenchantements et les premières fois qui l’accompagnent. Le lecteur se tient à ses côtés tandis qu’il découvre sa passion pour le dessin, construit une cabane dans les arbres, tisse des liens avec sa bande de copains, se prend à s’intéresser aux filles, mais aussi lorsqu’il comprend pour la première fois les failles de ses parents. L’auteur décrit à merveille ses sentiments contradictoires, sa frustration d’être incompris, ses premiers émois, sa sensibilité à fleur de peau, ses accès de colère, ou encore sa détresse et sa solitude face aux ombres hostiles de la maison. Comment grandir quand la menace est intérieure, au sein même du foyer ?
Très sensible aux récits plaçant en leur coeur les maisons hantées, autant par les esprits que par les hommes eux-mêmes, j’ai énormément aimé ce roman intense et bouleversant, porté par un jeune héros attachant sur le point de perdre à tout jamais son insouciance d’enfant.
Éditions Belfond, 17 août 2023, 416 pages