
« Quand la mer se retire des marais, qu’apparait peu à peu le sable dur et figé, il me semble, dans ma fantaisie, suivre le reflux ; mes vieux rêves apparaissent au grand jour comme les coquillages et les pierres de la grève. Étrange et joyeuse sensation que ce retour au passé. Je ne regrette rien, je suis heureuse et fière. »
Plus je découvre l’oeuvre de Daphné du Maurier, plus il me parait évident qu’elle ne pourra jamais me décevoir. Chacun de ses livres revêt une identité forte, et, bien que réunis par l’inimitable plume de la romancière et son incroyable talent pour insuffler le romanesque, ils ne peuvent être plus dissemblables les uns des autres. Dans Le Général du Roi, on renoue avec les Cornouailles chères au coeur de Daphné du Maurier, qui nous plonge cette fois en pleine guerre civile anglaise, opposant les partisans du roi Charles I aux Parlementaires. Mais bien que ce roman déploie un panorama passionnant de cet épisode historique, il offre bien davantage : de l’aventure, du mystère, de la tragédie, et une splendide histoire d’amour.
Honor Harris grandit dans l’Angleterre du XVIIe siècle, dans une famille de l’aristocratie cornouaillaise. C’est une jeune fille brillante, curieuse, et farouchement rebelle, au grand désespoir de ses parents. Le jour de ses dix-huit ans, elle fait la connaissance d’un colonel de l’armée royale, Richard Grenville. Tous deux sont passionnés et déterminés : c’est le coup de foudre, et ils n’imaginent pas leur vie l’un sans l’autre. Mais l’Histoire est en marche, et la tragédie n’est pas loin.
« Je suis soldat. Mes fautes sont grandes et rares mes qualités. Mais nulle querelle, nulle dispute, nul esprit étroit de vengeance ne me feront renoncer à mon dévouement pour ma patrie et mon Roi. »
Le roman commence donc avec cette histoire d’amour, sur laquelle plane une vague menace, jusqu’à ce qu’un drame éclate au bout de quelques chapitres à peine, provoquant la surprise du lecteur qui ne peut manquer de s’interroger sur la suite qui sera donnée au récit. En parallèle des combats acharnés entre troupes royalistes et troupes du Parlement, au milieu des sièges, pillages, soulèvements, arrestations, se dessine un magnifique portrait de femme, celui d’une héroïne difficile à oublier. Si Richard fait davantage figure d’anti-héros, soldat dévoué, ambitieux et fin stratège, mais également cruel, amer et vengeur ; on s’attache en revanche irrémédiablement à Honor pour son courage, sa fidélité et son intelligence. Elle est d’ailleurs notre narratrice, nous offrant ses pensées, sa sensibilité et ses souffrances.
« Je sus alors que nous étions liés pour toujours, que je ne pourrais jamais le renvoyer. Ses fautes étaient mes fautes, son arrogance mon fardeau, et celui qui se tenait debout devant moi, Richard Grenville, était ce que la tragédie de ma vie l’avait fait. »
La plupart des protagonistes ont réellement existé, de même que les événements historiques décrits, auxquels la romancière, qui s’est incroyablement documentée, insuffle un souffle et un réalisme foudroyants. L’atmosphère de danger permanent et de mystère est particulièrement réussie, ainsi que l’un des cadres privilégiés de l’action : un certain Menabilly qui n’est pas sans rappeler Manderley. J’ai adoré ce roman pour la profondeur psychologique des personnages, l’émotion palpable générée par l’histoire d’amour des deux héros, ainsi qu’un rythme de narration aussi enfiévré que les cavalcades des chevaux sur les routes de Cornouailles.
Ma note (5 / 5)
Éditions Livre de Poche, traduit par Henri Thiès, 8 août 2020, 576 pages
Wow, tu lui donnes 5/5! C’est rare, il me semble. J’aime beaucoup Daphné du Maurier moi aussi. Tu me donnes le goût de lire ce roman.
Un des rares romans que je n’ai pas lu de Du Maurier… tu me donnes envie d’y plonger dès que possible, sans crainte de déception ! J’ai aussi rarement été déçue par ses oeuvres : Mad m’a peu passionnée, comme Le Vol du faucon, mais ce sont deux exceptions… j’admire comment elle parvenait à se renouveler tout en gardant le charme de son écriture et l’ambivalence de ses personnages.
J’adore Daphné du Maurier et je pense que je lirai tous ces romans sans exception. Je n’avais jamais lu d’avis sur Le Général du Roi et le tiens suffit à me convaincre que encore une fois, Daphné du Maurier signe là une histoire qui va m’emporter. Très jolie chronique !
Merci ! J’arrive bientôt à la fin de ma découverte de Daphné du Maurier, j’essaie de faire durer un peu avant d’avoir tout lu…