Premier amour – Ivan Tourgueniev

Depuis ma lecture du sublime En lisant Tourgueniev, cet auteur russe m’intrigue beaucoup, et j’avais décidé de commencer l’exploration de son oeuvre avec l’un de ses romans les plus connus et vraisemblablement les plus autobiographiques, Premier amour.

« Pas une image de femme, pas un fantôme d’amour ne s’était encore présenté nettement à mon esprit ; mais dans tout ce que je pensais, dans tout ce que je sentais, il se cachait un pressentiment à moitié conscient et plein de réticences, la prescience de quelque chose d’inédit, d’infiniment doux et de féminin. »

Ce court roman, presque une nouvelle, est empreint d’un doux pessimisme et d’une grand mélancolie. Alors qu’un homme d’une quarantaine d’années dine avec des amis, il lui est demandé de raconter son premier amour. Il se replonge alors dans l’été de ses seize ans : adolescent solitaire, distrait, effacé, il vit entre une mère indifférente et un père distant, qui ont contracté un mariage de raison. Son quotidien se voit bousculé par l’arrivée de sa jeune voisine, de cinq ans son ainée, Zinaïda, une princesse russe désargentée mais fort consciente de ses charmes. Éperdu d’amour, il connait alors pour la première fois les affres de la passion. La jeune fille, coquette, s’amuse beaucoup de ses nombreux prétendants, de tout âge et de toutes conditions, qu’elle réunit souvent chez elle afin de les faire tourner en bourrique. Mais à force de se jouer des choses de l’amour, Zinaïda ne s’y serait-elle pas elle-même perdue ? Notre narrateur, désespéré de n’être traité que comme un enfant, mais déterminé à conserver ses illusions d’un amour réciproque, commence à suspecter l’existence d’un rival.

« Sentiments timides, douce mélancolie, franchise et bonté d’une âme qui s’éprend, joie languide des premiers attendrissements de l’amour, où êtes-vous « 

Que de délicatesse dans ces pages ! Les premiers émois amoureux sont dépeints avec énormément de finesse et de poésie, et on sent à quel point l’auteur a trempé sa plume dans ses propres désillusions romantiques. On se prend d’affection pour un jeune héros dont la naïveté face aux complexités des relations amoureuses émeut. L’identité du mystérieux amant secret de la jeune fille est au coeur du récit, et elle se dévoile à nos yeux bien plus nettement qu’à ceux du garçon, empêtré dans ses sentiments, sa gêne, ses idéaux, ses hésitations et son inexpérience. Passion, jalousie, trahison… Vladimir entrera bien vite dans l’âge adulte, renonçant aux certitudes et à une partie de sa jeunesse. L’amour chez Tourgueniev est une fièvre, une maladie dévastatrice et une tragédie intime.

« À présent que les ombres du soir commencent à envelopper ma vie, que me reste-t-il de plus frais et de plus cher que le souvenir de cet orange matinal, printanier et fugace ? »

C’est très beau, très subtil, et bien que le thème abordé soit finalement assez ordinaire, Premier amour est définitivement un classique du genre.

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

Éditions Livre de Poche, traduit par Michel-Rostislav Hoffmann, 1er avril 1976, 256 pages

Laisser un commentaire