
Le roman nous plonge au sein d’un petit groupe de jeunes filles, toutes ayant eu comme maitresse d’école, et influence majeure, Miss Jean Brodie. Il y a Mary, réputée stupide et maladroite ; Monica, un peu grotesque ; Eunice, grande gymnaste ; Sandy avec ses vocalises et ses yeux porcins ; Jane la future actrice ; et enfin Rose « célèbre par le sexe ». Elles nous apparaissent tour à tour en 1930 et 1936 : à 10 ans dans la classe de Miss Brodie, puis à 16 ans, toujours sous la coupe de leur professeur dont elles semblent réaliser par leurs diverses prouesses les prédictions. De brefs aperçus de leurs avenirs nous seront également donnés à voir, destinés à illustrer l’influence de Miss Brodie sur les chemins qu’elles décideront, ou non, d’emprunter.
« Ces filles constituaient le clan Brodie. Ainsi les avait-on appelées avant même que la directrice ne leur eût donné ce nom sur un ton de mépris quand elles étaient passées, à douze ans, de l’école des petites à l’école des grandes. A cette époque, elles avaient été reconnaissables au premier coup d’oeil en tant qu’élèves de Mlle Brodie, étant largement informées sur quantité de sujets sans rien à voir avec le programme d’études réglementaire, ainsi que disait la directrice, et inutiles à l’école en tant que telle. »
On assiste ainsi aux leçons de Miss Brodie, qui dispense à tout le moins une éducation peu orthodoxe, racontant sans complexes et sans détours ses histoires de coeur, ou encore faisant l’apologie du fascisme montant en Europe. Ses discours flirtent avec la moralité au grand dam de la directrice de cette école pourtant bien sous tout rapports, qui guette le moindre prétexte pour se débarrasser de cette enseignante incontrôlable. Il semblerait qu’elle y ait enfin réussi, puisque Miss Brodie a été forcée à une retraite anticipée, dénoncée par l’une de ses fidèles disciples… Mais qui a osé trahir ? Page après page, nous est raconté le terrible ascendant de Miss Brodie sur ses élèves, qui finira par se retourner contre elle. Le roman n’est pas sans rappeler l’esprit du splendide Cercle des poètes disparus (qui est néanmoins postérieur) : de jeunes esprits impressionnables subjugués par la parole d’un professeur au charisme et à l’autorité incontestables. Mais Miss Brodie n’est pas Mr Keating : elle est tyrannique, manipulatrice, égoïste et, il faut bien le dire, dans le fond assez ridicule.
« Donnez-moi une fille d’un âge influençable, et la voilà mienne pour la vie. »
Je dois avouer que je n’ai vraiment pas apprécié ma lecture… Je n’ai pas aimé le ton foncièrement absurde, ni la forme de la narration qui mélange en permanence les époques sans qu’on s’y retrouve toujours, ni le style, alambiqué et incisif mais surtout assez impénétrable. Ce dernier aspect s’explique finalement lorsqu’on réalise que le lecteur est manipulé par un soit-disant narrateur omniscient, qui ne donne un point de vue extérieur au groupe qu’en apparence. On s’aperçoit en réalité assez rapidement que le réel narrateur est l’une des filles composant le petit groupe d’élèves, et qu’elle décrit les choses selon un angle bien étudié et dans un but qui ne sera avoué que dans les dernières pages. Tout le roman prend alors un aspect bien plus intéressant, notamment les relations entre les personnages, qui sont bien plus complexes et plus dissimulées qu’elles ne le paraissaient de prime abord. Surtout, les différents éléments d’information qui sont donnés au compte-goutte, à commencer par les révélations sur l’avenir de chacune des filles, prennent une toute autre signification. En refermant ce roman et en le revoyant dans son ensemble, j’ai été assez admirative de l’habileté déployée par Muriel Spark. Malgré tout, cela ne restera pas pour moi une lecture mémorable.
Ma note (2 / 5)
Éditions Robert Laffont, traduit par Léo Dilé, 3 septembre 2020, 224 pages