Une maison parmi les arbres – Julia Glass

Morty Lear, un célébrissime auteur et illustrateur de livres pour enfant, vient de mourir brutalement. Un choc pour Tommy, son assistante de toujours et son amie, d’autant plus que son testament fait d’elle son héritière et l’administratrice de son immense patrimoine littéraire. Aussitôt, elle se trouve au coeur de toutes les attentions, elle qui n’était considérée au mieux que comme une gouvernante par l’entourage de Morty. Ce testament contrarie bien des velléités, à commencer par celles de Merry, directrice de musée et mortifiée de découvrir que le leg d’oeuvres qu’elle espérait dépend du bon vouloir d’une inconnue. Le quotidien de Tommy se trouve par ailleurs particulièrement bousculé par l’irruption d’un acteur, Nicholas Greene, censé incarner Morty dans un biopic sur le point d’être tourné. Nick espère s’imprégner du lieu, cette « maison parmi les arbres » au coeur du Connecticut, véritable refuge de l’artiste ; mais également interroger Tommy sur les nombreux mystères de cet homme aux mille facettes.

« Est-ce un problème si les mystères demeurent ? N’est-ce pas toujours le cas ? »

Au gré des rencontres entre Tommy et Nick ainsi que de nombreux flashbacks, c’est l’existence entière de Morty qui est retracée par le prisme de ceux qui l’ont côtoyé. Celle d’un homme séduisant hommes et femmes, portant un lourd traumatisme d’enfance, dont le grand amour est mort tragiquement du sida, et dont la personnalité complexe n’est entièrement appréhendé par aucun de ceux qui l’ont connu, y compris la femme dont il a apparemment été le plus proche, Tommy. Celle-ci est d’ailleurs tourmentée par la nature de cette relation, par ces secrets qu’elle découvre sur un homme qu’elle pensait connaître, par cette vie qu’elle lui a entièrement dédiée, au détriment de la sienne. Elle repense à différents épisodes de leur vie commune, tentant de leur donner un sens, expiant une culpabilité vis-à-vis de ses parents, de son frère, et d’elle-même. L’image un peu lisse que l’on avait de Morty, cet incroyable et charismatique conteur, se complexifie progressivement à mesure que l’on découvre ses faiblesses, ses coups bas, et son ego démesuré mais sans doute nécessaire à son talent.

« L’ennui, déclara-t-elle, est un tunnel. Débrouille-toi pour qu’il te conduise quelque part. »

C’est un roman d’une grande tendresse, tissant avec finesse les relations entre les différents personnages, prenant parfois des airs de fables en dévoilant en chacun d’eux l’enfant meurtri par les désillusions. Tommy et Nick sont incroyablement réussis, suscitant chacun une grande empathie de la part du lecteur qui se trouve mis dans la confidence de leurs doutes, de leurs regrets, de leurs fragilités. Malgré quelques longueurs, c’est une lecture fluide et souvent fascinante, qui brouille la frontière entre fiction et réalité tant Morty et son monde imaginaire paraissent familiers, comme s’ils avaient réellement fait partie de notre enfance, représentant toutes ces histoires qui nous ont permis de grandir.

Ma note 3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Éditions Gallmeister, traduit par Josette Chicheportiche, 28 mai 2020, 464 pages

6 commentaires sur “Une maison parmi les arbres – Julia Glass

  1. Ce que tu dis ce roman me tente énormément. Il va bien falloir que je j’oublie un jour ma rencontre ratée avec Julia Glass car j’ai l’impression de passer à côté de très beaux textes.

    1. C’est le premier roman que je lis d’elle, je ne la connaissais pas du tout. Qu’avais-tu lu ?

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