Les filles de Hallows Farm – Angela Huth

Angleterre, octobre 1941. La Seconde Guerre mondiale fait rage et la majorité des hommes ont déserté les champs pour combattre sous les drapeaux. C’est la grande revanche des femmes qui, d’infirmière à mécanicienne, ont tout quitté pour pallier le manque de bras et contribuer à l’effort de guerre. Prue, Stella et Agatha ont quant à elles choisi de se porter volontaires pour les travaux agricoles. Les voilà donc débarquant dans une ferme familiale du Dorset, habitée par un couple de fermiers, les Lawrence, et leur fils Joe. L’irruption de ces trois filles, jolies, gaies, intelligentes et débordant de bonne volonté, va chambouler le quotidien des fermiers.

« Je suis si désespérément romantique que la seule idée de l’amour me suffit presque, bien que je sache, au fond de mon coeur, que l’essentiel n’est que chimères et que je serai déçue. Je le suis presque toujours. »

Je dois dire que je ne m’attendais pas à tomber sous le charme de ce roman. On lui reproche sa légèreté, et il est vrai que les préoccupations sentimentales des trois filles sont omniprésentes. Mais elles contribuent à faire régner une magnifique fraîcheur dans ce roman, contrastant avec l’ombre menaçante d’un conflit qui se rapproche. J’ai adoré l’amitié qui lie ces trois filles si différentes les unes des autres. Prue, coiffeuse à Manchester, toujours apprêtée même quand il s’agit de traire les vaches, passant d’un garçon à l’autre tant que son intérêt ne s’émousse pas, si apparemment superficielle alors qu’elle cache un coeur d’or et une volonté de fer. Stella ensuite, rêveuse, romantique, qui se languit de son amoureux parti à la guerre comme enseigne de vaisseau. Et enfin Agatha, droite et sage, pétrie d’intelligence et de perspicacité. On s’attache irrémédiablement à ce trio détonnant, tout comme les Lawrence passeront de la méfiance à la tendresse. On est subjugués par leur détermination, leur travail acharné qui se conjuguent avec la délicatesse des manières qu’elles apportent à la ferme, dénouant la rudesse de leurs hôtes. Chacune à sa manière va venir révéler les petits secrets, les petites contrariétés qui agitent les habitants de la ferme. La frivolité de Prue, la sensibilité de Stella ou l’esprit d’Agatha leur permettent, ainsi qu’à ceux qui les entourent, d’oublier un instant les atrocités de la guerre. Et l’influence qu’elles auront les unes sur les autres durant cette année passée dans la campagne du Dorset marquera leur existence entière. C’est d’une grande humanité et d’une grande sensibilité d’un bout à l’autre.

« Il devait être plus facile d’accepter le rien, songea t-elle, que de jouer avec les infinis possibles du quelque chose. »

Bien qu’il ne s’approche en rien d’un roman historique, ce roman rappelle néanmoins le travail essentiel de ces femmes qui portaient à bout de bras le fonctionnement des pays en guerre, et qui non seulement ont obtenu une reconnaissance historique pour leur apport à la nation, mais se sont également affranchies de ce que le destin avait pu leur réserver avant que la guerre n’éclate. Ces mois incertains qui les ont arrachées à leur foyer leur ont également offert des velléités d’indépendance et de liberté qui détermineront le cours de leur vie.

« Elle était émue par la proximité de la terre : le nuage de la guerre lointaine se dissipait dans la lumière basse du soleil du soir, dans les longues ombres projetées par la haie, le champ, le taillis et les hommes. »

J’ai renoué dans ce roman un peu avec ce qui m’avait tant plu dans Quand rentrent les marins, cette plume qui raconte si bien le quotidien, et cette façon de décrire les rapports humains, et en particulier l’amitié, avec une grande finesse. Certes il n’y a pas de gros enjeux, pas de grandes envolées lyriques, et les préoccupations de ces trois filles ne s’éloignent pas beaucoup de ce qu’étaient (et sont encore) les préoccupations des filles de leur âge : l’amour, l’avenir, la douceur de vivre. Mais qu’importe, c’est une belle histoire qui fait du bien, et qui plonge dans un univers rural aussi splendide que rigoureux, rythmé par les saisons et la nature, au coeur de ce Dorset tant célébré par les romans de Thomas Hardy.

Ma note 3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Éditions Folio, traduit par Christiane Armandet et Anne Bruneau, 23 mars 2000, 560 pages

4 commentaires sur “Les filles de Hallows Farm – Angela Huth

  1. Bonjour
    Depuis que j’ai découvert votre blog, ma liste de lecture ne cesse de s’allonger! Mais j’en suis heureuse: de lire vos articles si soigneusement illustrés me plonge déjà presque dans les univers des livres que vous décrivez.
    Merci.

Laisser un commentaire