Rien d’autre sur terre – Conor O’Callaghan

On frappe à la porte du prêtre d’une petite ville d’Irlande. Sur le seuil se tient une gamine, essoufflée et terrifiée. Elle est maigre, sale, couverte d’inscriptions faites au stylo, et elle finit par lâcher dans un souffle : « Mon papa a disparu, lui aussi. »

« À quoi ressemblait-elle ?
Elle ne ressemblait à rien d’autre sur terre. »

Bien entendu le prêtre avait déjà entendu parler d’elle et de sa famille, comme tout le voisinage. Il y a la mère, Helen, le père, Paul, la tante, Martina, et celle dont on ne connaitra jamais le nom et qui sera toujours désignée comme « la gamine ». Les racontars vont bon train sur ces nouveaux venus dont on sait peu de choses, si ce n’est que les deux soeurs, jumelles, avaient quitté l’Irlande suite au drame ayant frappé leurs parents. Le prêtre, notre narrateur tout au long du roman, va reconstituer les événements grâce aux bribes d’information qu’il a pu collecter et surtout au récit de la gamine après son entrée fracassante chez lui. Des confidences qui auront de nombreuses conséquences.

« Ça lui faisait mal de penser qu’un jour il arrêterait, ou qu’elle arrêterait, et qu’ils ne se reverraient plus jamais, ne se parleraient et ne se toucheraient plus jamais. Un jour, après tout ce qu’ils auraient traversé ensemble, l’un d’eux s’en irait, partirait pour ne plus revenir, tandis que l’autre remplirait les jours restants en parcourant l’espace laissé vide. »

Ce roman est bien plus original que les premières pages peuvent le laisser croire, et ma perplexité a très vite laissé la place à une fascination profonde pour l’histoire de cette famille. Une vie étrange, sous une chaleur de plus en plus caniculaire, alors que l’eau et l’électricité sont rationnées, dans une maison témoin en plein milieu d’un lotissement encore en construction. Des voisins annoncés qui n’arrivent jamais. Des portes qui claquent. Des inscriptions qui apparaissent aux murs. Des bruits dans l’impasse sans que l’on ne voit jamais personne. L’ancien propriétaire du terrain et sa femme erratique. Et surtout, les membres de cette famille vont disparaître les uns après les autres, sans laisser de traces.

« Parfois on tambourinait à leur porte : toujours la nuit, toujours sur le même rythme rageur, comme si quelqu’un était enfermé dehors et voulait à tout prix entrer. Mais il n’y avait jamais personne. »

Ce roman est à bien des égards totalement indescriptible, et j’ai été subjuguée par le talent de l’auteur à se jouer du lecteur, usant du pouvoir de suggestion, diffusant une atmosphère aussi inquiétante qu’absurde parfois, et qui multiplie les petits incidents apparemment anodins mais destinés à semer le trouble. Un premier roman surprenant et dérangeant, qui soulève bien plus de mystères et d’interrogations qu’il n’en résout, ce qui est aussi frustrant que terriblement addictif.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

 

Éditions Sabine Wespieser, traduit par Mona de Pracontal, septembre 2018, 272 pages

2 commentaires sur “Rien d’autre sur terre – Conor O’Callaghan

Laisser un commentaire