L’audacieux Monsieur Swift – John Boyne

Après avoir adoré Les fureurs invisibles du coeur, j’ai été ravie de retrouver John Boyne avec ce roman pourtant très différent, mais incroyablement maîtrisé, et qui déploie une fascination folle.

« Je suis écrivain, moi aussi, dit-il, paraissant un peu gêné de faire cet aveu, comme s’il avait confié son rêve d’aller sur la lune. Enfin j’essaye d’en devenir un, en tout cas. »

D’où provient l’inspiration d’un écrivain ? C’est une question que se posent tous les lecteurs, ainsi que les apprentis romanciers en quête désespérée d’une idée géniale pouvant donner naissance à un grand livre. Maurice Swift a 24 ans au début de ce roman, et tout ce qu’il a toujours voulu c’est être écrivain, et être père. Pour cela il est prêt à tout, comme le lecteur va pouvoir le constater. Tout commence en 1988 lorsqu’il rencontre par hasard un célèbre et vieillissant romancier allemand, Erich Ackerman. Ce dernier, très attiré par ce jeune homme aussi beau qu’intriguant, s’empresse de le prendre sous son aile, bien décidé à lui apprendre les ficelles du métier. Malheureusement pour lui, son excès de confiance le conduira à des révélations malheureuses sur son passé. Ce ne sera que la première pierre apportée à l’édifice de la carrière de son jeune ami, dont les ambitions démesurées le conduiront à aller de plus en plus loin pour servir son objectif.

« Tout le monde a des secrets. Nous avons tous dans notre passé des choses que nous n’aimerions pas voir exposées au grand jour. Et c’est là que tu trouveras ton histoire. »

John Boyne rend son roman irrésistiblement haletant, grâce à une construction brillante et particulièrement habile. En effet les chapitres, espacés de plusieurs années, alternent les points de vue, racontés à la première personne du singulier ou bien à la troisième, rompant systématiquement le rythme de narration et offrant tantôt une proximité avec le narrateur et Maurice Swift, tantôt a contrario une distance, une perspective plus élevée sur la situation. Pendant la majeure partie du roman, il sera décrit par d’autres yeux, ce qui contribue encore à rendre son personnage insaisissable. Il faudra attendre le tout dernier chapitre pour que Maurice Swift prenne les rênes de la narration, se dévoilant enfin entièrement aux yeux du lecteur. 

Les qualités de ce roman extraordinaire sont nombreuses : les personnages sont extrêmement réussis car complexes, les dialogues rodés à la virgule près, cette plongée oppressante dans la vie d’un génie de la manipulation se trouvant incorporée à une critique extrêmement fine du monde littéraire, avec de nombreuses références, plus ou moins directes, à des événements ou controverses bien réels (notamment celles entourant le prix Nobel de littérature). La tension monte d’un cran à chaque chapitre, au fur et à mesure que Maurice Swift dévoile son jeu. Sa noirceur, ou son pragmatisme selon le point de vue, se fait jour, et on oscille en permanence entre le magnétisme dégagé par ce personnage, et un malaise grandissant, confinant parfois à une horreur telle que la lecture en devient difficile.

« Quand je me réveillai ce mercredi matin-là, comment aurais-je pu savoir que tout ce pour quoi j’avais travaillé depuis que j’étais enfant, tous les rêves et toutes les ambitions qui s’étaient formés dans mon coeur me seraient volés avant la tombée de la nuit ? »

Tout ceci rend la lecture absolument addictive, raison pour laquelle on pourrait craindre une fin déceptive. Il n’en fut rien puisque John Boyne nous surprend avec une dernière pirouette de génie, parachevant un roman captivant de bout en bout.

Ma note 5 out of 5 stars (5 / 5)

 

 

 

Éditions JC Lattès, traduit par Sophie Aslanides, 26 février 2020, 416 pages

5 commentaires sur “L’audacieux Monsieur Swift – John Boyne

  1. La critique que tu en fais donne irrésistiblement envie de lire ce roman ! (ce qui ne me facilite pas la tâche pour diminuer ma liste de titres à lire, je ne sais plus où donner de la tête huhu)

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