
Résumé de la quatrième de couverture :
Tout rapproche Lady Viviette, dont le mari a disparu en Afrique depuis des années, et le tout jeune Swithin, promis à une belle carrière d’astronome. Mais s’il y a des unions écrites dans les étoiles, celle-ci est contrecarrée par les déterminismes humains dont l’écrivain anglais Thomas Hardy s’est toujours fait le peintre sarcastique. Leur condition sociale, leur âge et ironie de la vie» ici incarnée par un vieil oncle misogyne qui fait de sa fortune un objet de chantage pour empêcher l’union rendront la séparation inéluctable…
« Plus proches de l’immensité que leurs semblables, ils en virent à la fois la beauté et l’épouvante. De plus en plus, ils furent pénétrés du contraste de leur forme infime avec celle où ils s’étaient imprudemment plongés, et ils furent accablés par la présence d’une immensité qu’ils ne pouvaient affronter même en pensée et qui s’attachait à eux comme un cauchemar. »
Mon avis :
À la lumière du résumé et du thème de l’astronomie qui paraissait omniprésent, je m’attendais à un roman bien différent du reste de l’oeuvre de Thomas Hardy. S’il y a des originalités, on y retrouve en réalité les mêmes contrées du Wessex, et ces personnages aux destinées tragiques auxquels l’auteur n’épargne rien des tracas de l’existence.
Lady Viviette Constantine, châtelaine dans la contrée de Welland, traine sa mélancolie dans les couloirs de son immense demeure. Son mari, qu’elle n’aimait pas et qui la maltraitait, a disparu lors d’un voyage en Afrique trois ans auparavant, et elle n’attend plus grand chose de l’existence. Un jour pourtant, elle rencontre un jeune garçon, Swithin St Cleeve, qui l’intrigue. Il passe en effets ses nuits sur une haute tour à guetter les étoiles, formant de grands projets pour devenir astronome royal. Cette rencontre la sort de sa léthargie, et elle se prend d’intérêt pour lui, lui apportant d’abord une aide financière avant de rapidement en tomber amoureuse. Une relation vécue à l’abri des regards, Viviette n’étant pas officiellement veuve, Swithin ne disposant encore d’aucune ressource et réputation professionnelle, et les amants étant séparés non seulement par leur différence d’âge, mais également leur condition sociale. Les péripéties ne manquent pas, la passion amoureuse disputant à la passion scientifique, et les rares éclaircies étant rapidement remplacées par les ennuis.
« Une femme qui éveille des passions d’un jeune homme au moment où il s’efforce de briller intellectuellement ne commet guère moins qu’un crime. »
J’ai beaucoup aimé ma lecture, même si ce roman ne se placera pas parmi mes préférés de l’auteur. J’ai trouvé le récit assez lent, surtout la première moitié, qui prend du temps à se mettre en place. La lenteur ne me dérange pourtant que rarement chez Thomas Hardy qui est davantage connu pour sa peinture des moeurs de son époque que pour l’énergie de ses intrigues. Si cela m’a dérangée, je pense que c’est surtout en raison du manque d’empathie éprouvée pour les personnages, au contraire de Tess, Jude, Bathsheba et Gabriel, ou encore Grace et Giles, pour qui j’avais pris fait et cause dès les premières pages. Viviette et Swithin m’ont agacée avec leurs tergiversations, leur amour parfois peu crédible (Swithin tombe amoureux brusquement au moment même où il se rend compte que Viviette l’aime elle-même, on a connu plus romantique…), et ce tragique omniprésent qui plane sur leur relation et auquel ils contribuent largement. On sent le sarcasme de Thomas Hardy derrière la plume, et la dérision avec laquelle il tourne les mésaventures de ses deux personnages. Finalement, en nous les rendant peu aimables, peut-être cela sert-il davantage le message sous-jacent auquel tient tant l’écrivain : l’amour n’est qu’une illusion, et les êtres sont bien faibles face aux déchaînements du destin et des conventions sociales. On retrouve dans ce roman le style inimitable de l’auteur, sa subtilité psychologique, et sa critique sous-jacente de l’injustice d’une société bien trop rigide.
« – Nous croyons d’habitude que nous aurons de la chance, même lorsque tous les gens, placés dans la même situation, n’en ont pas eu.
– Bien sûr, ou l’on mourrait tous de désespoir. »
La deuxième partie du roman tient davantage ses promesses, à mesure que l’étau se resserre autour de nos héros et que nous assistons désarmés à l’inéluctable déroulement de leur sort. En choisissant comme toile de fond cette fascination du héros pour l’astronomie, Hardy souligne bien à quel point les passions humaines sont éphémères et dérisoires face à l’immensité céleste, et nous offre l’une des fins les plus parfaites et cruelles de la littérature.
Ma note (4 / 5)
Éditions Flammarion, traduit par Marie Cresciani, 4 février 2015, 347 pages
Je ne sais pas si je lirai celui-là… mais je réalise que je n’ai pas lu Hardy depuis un bon moment! Piqûre de rappel.
Ahaha il faut toujours une petite dose de Hardy de temps en temps ! 😉
La référence astronomique m’a toujours tenu un peu à l’écart de ce roman, que je n’ai pas lu. Et pourtant, comme toi, j’aime beaucoup Thomas Hardy. Visiblement, ce n’est pas celui que tu as préféré cependant?
Honnêtement la référence astronomique n’est pas gênante en réalité, cela reste en périphérie du roman. Non c’est loin d’être mon préféré, pour l’instant ça reste Les Forestiers, suivi par Tess et Loin de la foule déchaînée.
Je viens de l’acheter dans la collection romans éternels. J’ai bien envie de le lire. Très belle chronique en tout cas.