
« Premier janvier, premier janvier – à chaque coup de pédale, il scande ces mots dans sa tête. »
Henning, notre narrateur, passe des vacances de Noël en famille sur l’île de Lanzarote. Le matin du premier janvier, fuyant le chaos et les récriminations, il décide d’enfourcher son vélo de location et de grimper au sommer du volcan Atalaya. C’est le début d’une nouvelle année, et Henning fait le bilan. Il a tout pour être heureux : une femme, deux enfants, un métier qu’il aime. Et pourtant quelque chose cloche, les relations qu’il entretient avec sa femme sont tendues, il a l’impression de faillir en tant que père, et son travail ne l’épanouit pas autant qu’avant. Il repense à son enfance sans père avec une mère qui lui faisait sentir à quel point il était un fardeau, et à l’amour fusionnel qui le lie à sa soeur. Mais surtout depuis deux ans, il a régulièrement de terrifiantes crises de panique qui lui gâchent la vie et qu’il ne parvient pas à comprendre. D’où provient cette angoisse, qu’il nomme La Chose et que rien ne peut mettre à distance ? Réflexions sur le couple, sur la parentalité, sur le temps qui passe… rien de bien original me direz-vous, mais au moment où l’on se prend à regretter un énième roman sur la « mid-life crisis », les choses prennent une autre tournure.
« Henning lui explique que les premiers souvenirs reposent souvent sur des photos ou des récits. On peut même les créer en montrant à des adultes des photos truquées de leur vie passée. Et ils se souviennent d’événements qui n’ont jamais eu lieu. »
Petit à petit, épuisé, déshydraté, il parvient en haut du col et des souvenirs liés à cet endroit lui reviennent brusquement. L’introspection de l’adulte laisse alors la place à un épisode traumatisant de son enfance qu’il avait totalement occulté jusqu’à présent. Le rythme et le ton du récit sont différents puisqu’il est donné du haut de l’esprit d’un enfant de quatre ans, et je l’ai trouvé extrêmement angoissant par son authenticité. Les pages défilaient à mesure que j’attendais de voir le drame se dérouler et que Henning lui-même prend enfin conscience du poids qui l’a écrasé des années durant.
« Il a envie de pleurer, mais même ses larmes ont peur et préfèrent rester dans ses yeux. »
C’est un roman court mais percutant sur les traumatismes enfouis, qui, s’il n’échappe malheureusement pas à certains lieux communs, maîtrise néanmoins parfaitement la tension psychologique. On est captivé de bout en bout par le récit, de la montée essoufflée en vélo qui tente d’éloigner d’un coup de pédale les angoisses du quotidien; jusqu’aux réminiscences terrifiantes révélées par la maison au sommet. Petit bémol sur la fin, trop rapide et qui retombe un peu comme un soufflé.
Ma note (3 / 5)
Éditions Actes Sud, traduit par Rose Labourie, septembre 2019, 192 pages