La falaise hantée – Dorothy Macardle

Résumé :

Roderick Fitzgerald et sa sœoeur achètent une maison sur les côtes sauvages de Cornouailles, suffisamment éloignée de Londres pour que Roderick puisse travailler à ses pièces de théâtre en toute tranquillité. Mais la maison est hantée : l’atmosphère de l’une des chambres est insupportable et une silhouette est fréquemment aperçue dans les couloirs et les escaliers. Les habitants de Cliff End apprennent alors que, par le passé, deux femmes y sont mortes dans d’étranges circonstances…

« N’étais-je pas un intrus dans cette maison ? Elle existait déjà bien avant moi, ses occupants y avaient vécu, y étaient morts et, maintenant, ils réintégraient leur foyer héréditaire où nous n’étions que des étrangers. Je savais à présent qu’ils étaient revenus dans la maison, et que leur pérennité couvrait notre intrusion comme l’eau couvre la pierre. »

Mon avis :

J’avais beaucoup entendu parler de ce roman irlandais, paru en 1942, et considéré comme l’une des références absolues en matière d’histoires de fantômes. L’intrigue est certainement alléchante, et le style du roman, largement inspiré de la littérature gothique, est très réussi.

Les premières pages permettent de se familiariser avec les personnages, en particulier Roderick et Pamela. Ils sont frère et soeur et ont décidé de quitter le bruyant Londres pour s’installer ensemble à la campagne, en bord de mer. Pamela est de santé fragile, et Roderick cherche à s’éloigner d’une déception sentimentale. Après des semaines de recherches couronnées d’insuccès, ils tombent par hasard sur une magnifique demeure dans le Devon, vraisemblablement à vendre. Les propriétaires, un vieux commandant et sa petite-fille, Stella, sont étranges. Désireux de se débarrasser de la maison, ils mettent néanmoins en garde leurs futurs acheteurs : les précédents occupants ont fui, ayant entendu des bruits toutes les nuits. Des avertissements qui sont loin d’effrayer Roderick, notre narrateur, fondamentalement cartésien, d’autant plus que son attention est ailleurs : il est tombé amoureux de Stella.

« Une heure auparavant, tout était si beau ! Nous nous étions trouvés l’un et l’autre à l’orée d’un bonheur immense. Maintenant, il y avait entre nous quelque chose d’obscur et de froid – une ombre du passé. »

Rapidement néanmoins, frère et soeur déchantent : ils entendent des pleurs et des soupirs la nuit, et un froid glacial se répand dans toute la maison. Petit à petit, des apparitions spectrales se manifestent également, et semblent concentrées dans l’ancienne chambre d’enfant. Intrigués, Roderick et Pamela enquêtent sur les anciens propriétaires de la maison, le peintre Meredith et sa femme Mary, qui se trouvent être les parents de Stella, ainsi que la domestique espagnole, Carmel, qui aurait été la maîtresse du peintre. Un curieux trio, au sort dramatique puisque les deux femmes ont connu la mort dans cette maison. Qui hante les lieux ? Et pour quelles raisons ? Désespérés à l’idée de quitter la maison de leurs rêves, et désireux de protéger Stella, qui parait irrémédiablement attirée par la maison, Roderick et Pamela seront déterminés à découvrir le fin mot de l’histoire, quitte à dévoiler de sombres secrets de famille.

« – Quel dommage de devoir oublier ! dit-elle

– Non. C’est un bienfait de la nature. Il faut vivre dans l’avenir et non dans le passé. »

Tous les ingrédients sont réunis pour rendre cette lecture palpitante : une grande maison mystérieuse, une côte magnifique et sauvage, des personnages convaincants et travaillés, et des manifestations qui ne versent ni dans la surenchère ni dans l’horreur, ancrant l’histoire dans une certaine réalité, ce qui la rend aussi passionnante que délicieusement inquiétante. On se prend d’intérêt évidemment pour ces mystérieux esprits, mais aussi pour l’histoire de la jeune Stella, pour les préoccupations d’écrivain de Roderick, un critique littéraire tentant d’écrire sa première pièce de théâtre, et pour tous les petits drames annexes qui se déroulent dans ces pages. Ce couple de frère et soeur offre une dynamique assez originale, et Roderick et Pamela suscitent immédiatement l’empathie par leur lucidité, leur courage et leur intégrité. Notons par ailleurs la galerie de personnages secondaires extraordinaires, qui soit viennent apporter une pointe d’humour (je pense notamment à la cuisinière Lizzie), soit qui, par leur personnalité forte, leur sympathie et l’aide qu’ils vont apporter à leurs amis, vont permettre de renforcer le lien entre le lecteur et l’histoire. Les personnages plus ambigus, plus sombres, ne sont pas en reste, épaississant l’impression de mystère et de malaise.

« Celui qui construit une maison comme celle-ci dans un endroit comme celui-là devrait être condamné à la hanter pour l’éternité. »

Tous ces éléments construisent un roman dense, dont la lecture est très prenante et l’atmosphère extrêmement efficace mêlant drame, fantastique et romance, un peu à la manière de Daphné du Maurier. Une lecture parfaite pour cette époque de l’année, et une vraie référence du genre, dont j’ai hâte de voir l’adaptation cinématographique, le roman s’y prête en effet merveilleusement.

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

 

Éditions Terre de Brume, traduit par Antoinette Laurent et Anne-Sylvie Homassel, 1er janvier 2005, 368 p.

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