
Résumé :
Mary est âgée, sa santé se dégrade. Elle décide de passer ses derniers jours à Bruny, île de Tasmanie balayée par les vents où elle a vécu ses plus belles années auprès de son mari, le gardien du phare. Les retrouvailles avec la terre aimée prennent des allures de pèlerinage. Entre souvenirs et regrets, Mary retourne sur les lieux de son ancienne vie pour tenter de réparer ses erreurs.
Entourée de Tom, le seul de ses enfants à comprendre sa démarche, un homme solitaire depuis son retour d’Antarctique et le divorce qui l’a détruit, elle veut trouver la paix avant de mourir. Mais le secret qui l’a hantée durant des décennies menace d’être révélé et de mettre en péril son fragile équilibre.
« Si on ne les prononce pas à point nommé les mots s’effacent pour toujours. »
Mon avis :
Sans parler de chef d’oeuvre, c’est un magnifique moment de lecture qu’offre La mémoire des embruns, une occasion de s’évader complètement, de voyager à l’autre bout du monde, et d’être totalement transporté par la vie de ses deux personnages principaux.
La narration alterne en effet entre Mary, qui a décidé de s’exiler sur l’île où elle a vécu la plus grande partie de sa vie, où elle a fondé sa famille, et son fils Tom, écorché vif depuis son retour d’Antarctique, vivant en marge de la société avec son chien. Contrairement à ce qui est laissé entendre sur la quatrième de couverture, mère et fils passent en réalité peu de temps ensemble dans le roman. Mais il est intéressant de voir les parallèles entre ces deux personnages, leurs sensibilités, leurs histoires, à quel point leurs vies se rejoignent, et à quel point ils se comprennent sans avoir besoin de mots. Tom est sans doute celui de ses enfants dont Mary se sent le plus proche, le petit dernier, le plus fragile, celui qui l’inquiète le plus et qu’elle redoute de laisser lorsqu’elle disparaîtra.
Au crépuscule de sa vie, et alors qu’un inconnu la menace de dévoiler un secret qui la terrifie, Mary décide de quitter Hobart et de rejoindre l’île de Bruny, afin de retrouver ses souvenirs heureux et moins heureux, des souvenirs de son mari, Jack, gardien de phare, et de leur vie isolée et hors du commun, des souvenirs aux allures parfois de secrets de famille. Un véritable pèlerinage qu’elle ressent le besoin de faire, malgré sa très mauvaise santé, et l’opposition de ses enfants qui souhaiteraient qu’elle intègre une maison médicalisée. Un dernier acte de rébellion et de survie d’une femme qui veut avoir le choix de mourir comme elle le souhaite. Elle sera accompagnée par le garde-forestier, Léon, un personnage que j’ai trouvé très touchant. C’est un homme bourru et malheureux, assez semblable à son fils Tom à certains égards, qui va d’abord rechigner à s’occuper d’une vieille dame impotente, avant de s’attacher à cette femme extraordinaire et à son histoire.
« Le chagrin a parfois la puissance dévastatrice d’un tsunami – ça enfle, gonfle, se dresse à une hauteur phénoménale pour vous submerger en emportant tout sur son passage. Vous avez beau vous débattre, cette force impitoyable vous maintient sous la surface. »
Tom quant à lui, vivote depuis qu’il est rentré de mission en Antarctique, une mission qui lui a coûté cher en plus de le métamorphoser en profondeur. Les mois passés là-bas, l’isolement, et les traumatismes vécus ont fait de lui un homme solitaire et désabusé, en pleine crise existentielle. Tout comme sa mère, pour des raisons différentes, il va faire le bilan de sa vie. Elle va se rendre compte qu’elle fut somme toute heureuse, malgré les aléas. Lui va réaliser qu’il a encore l’avenir devant lui, et progressivement remonter la pente, lécher ses blessures, et recommencer à prendre des risques.
Je n’aurai que deux petits bémols : la traduction est par moments vraiment mauvaise, et la fin m’a paru un peu bâclée, ce qui gâche un peu la lecture. Hormis ça, j’ai beaucoup aimé ce roman. Les introspections de Mary et Tom, ainsi que de Léon aussi parfois, m’ont beaucoup émue, je me suis sentie très proche de ces personnages, de leurs luttes intérieures, de leurs souffrances et de leurs joies. J’ai adoré les longues descriptions qui m’ont totalement dépaysée, la nature omniprésente, sauvage et puissante. J’ai véritablement eu l’impression de me trouver tour à tour sur la plage de l’île de Bruny, balayée par les vents salés, et sur la glace de l’Antarctique, immaculée et isolée.
Ma note (4 / 5)
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