Lorsqu’un corps en flammes est retrouvé suspendu au balcon de l’un des immeubles les plus iconiques de Barcelone, la Pedrera, une juge inquiète pour l’image de la ville à quelques semaines de la venue du Pape pour la consécration d’une Sagrada Familia enfin achevée, décide de rappeler l’un des inspecteurs les plus excentriques du département des homicides : Milo Malart. Ce dernier, dévasté par le suicide de son neveu quelques mois plus tôt, fait l’objet d’une mesure disciplinaire et s’est vu retirer toutes ses prérogatives, à commencer par sa plaque. Sa réintégration forcée fait donc grincer des dents, et ses collègues peinent à dissimuler leur profonde antipathie. Il faut dire que Malart est lunatique, imprévisible, et utilise des méthodes fort peu conventionnelles. Il ne se cache pas d’utiliser son instinct, son sixième sens, s’imprégnant des scènes de crimes et de l’état d’esprit des criminels comme s’il parvenait à entrer dans leur tête. Flanqué d’une jeune sous-inspectrice fascinée par les méthodes américaines qui fait office de chaperon et dont Milo ne peut manquer de se méfier, c’est une course contre la montre qui va s’engager lorsqu’il devient persuadé que ce premier meurtre n’est que le premier d’une terrible série.
« Solitude et isolement dans une agglomération où le besoin de remplir le vide était une urgence prioritaire. N’importe quoi pour remplir le vide. La ville entière réclamer à cor et à cri le contact humain et cependant elle était le royaume de la solitude et de la méfiance vis-à-vis de l’autre. »
Ce roman a tous les éléments de la recette d’un polar addictif : une intrigue complexe et magistralement tenue du début à la fin, un protagoniste hors normes, hanté par ses fantômes et seul contre tous, et une promenade effrénée et incroyablement documentée dans le Barcelone de Gaudí. Car très vite Malart va s’apercevoir que celui qu’il surnomme le Bourreau de Gaudí est obsédé par la ville et l’architecte, semant par ailleurs des indices francs-maçons qui donnent lieu à des explications fascinantes sur les plus grandes oeuvres du génie catalan et son symbolisme. Mélange des genres car en toile de fond de l’intrigue policière, l’auteur aborde des sujets politiques et sociaux cruciaux pour la Catalogne : corruption des élites catalanes, remodelage permanent de l’architecture et de l’urbanisme de la ville de Barcelone à partir des Jeux Olympiques de 1992 avec les expropriations et les injustices qui vont avec, Des thèmes qui seront d’ailleurs repris par Javier Cercas quelques années plus tard dans sa trilogie policière initiée avec Terra Alta, notamment dans Indépendance. Quelques dialogues un peu fabriqués et des intrigues personnelles parallèles sans grand intérêt pour l’histoire, mais qui ne gâchent pas pour autant le plaisir de lecture. Le roman retranscrit à la perfection l’ambiance si particulière de Barcelone, celle qui échappe aux touristes et montre son visage sombre, et introduit un personnage marquant, quelque peu antipathique et torturé que l’on a malgré tout hâte de retrouver dans d’autres enquêtes.
Ma note
(4 / 5)

Éditions Actes Sud, traduit par Serge Mestre, novembre 2017, 768 pages

Je l ai moins aimé que toi. Bonne journée