Divorce à l’anglaise – Margaret Kennedy

Après Le Festin, quelle joie de retrouver la belle plume de Margaret Kennedy pour une nouvelle comédie sociale délicieusement british.

Tout commence par une lettre… Betsy Canning écrit à sa mère et lui annonce son divorce. En 1936, c’est encore un sujet de scandale, surtout dans la classe moyenne supérieure anglaise. Mais Betsy a trente-sept ans et ne comprend pas où est passé le bonheur promis par ses jeunes espoirs. Mariée à Alec, devenu parolier d’opérette, et mère de trois enfants, elle est convaincue de n’avoir vécu que pour les autres, et souhaite trouver son propre épanouissement. Le divorce lui apparait alors comme la solution idéale, et Alec est prêt à se laisser convaincre de régler les choses à l’amiable. Pourtant ils hésitent encore, et si une réconciliation était possible ? Malheureusement, la lettre a mis en route un terrible engrenage qui va peu à peu échapper au contrôle des deux principaux intéressés,  tandis que l’irruption de leur entourage va achever de précipiter les choses, pour le pire bien plutôt que pour le meilleur.

« Elle se mouvait avec l’inconscience joyeuse d’une somnambule au bord du gouffre. Il se pouvait qu’un aveugle destin la préserve du pire – auquel cas, elle n’en saurait jamais rien. Elle ne se réveillerait que si sa bonne fortune l’abandonnait. »

Comme le précédent, l’un des atouts de ce roman réside dans l’extraordinaire galerie de personnages : Betsy vaniteuse et irréfléchie mais qui espère mieux de la vie sans se douter qu’elle trouvera peut-être pire ; Alec paresseux et incapable de mettre en valeur une femme dont il est pourtant amoureux, et dont la passivité lui apportera bien des regrets ; leurs enfants Daphne, Eliza et Kenneth, qui vont être confrontés à un choix crucial qui pourrait affecter leurs relations fraternelles, Mrs Canning aux rêves prémonitoires et aux manipulations contre-productives ; ou encore Joy, la jeune bonne naïve et effacée… La romancière analyse en profondeur et avec finesse les effets en cascade de la désintégration de ce couple et de cette famille. Les personnages sont faillibles, imparfaits, maladroits et foncièrement réalistes, et complètent à merveille une narration rythmée, entre flux de conscience, dialogues savoureux et échanges épistolaires épiques !

Si j’ai beaucoup aimé ce roman, je n’y ai pas du tout retrouvé le même humour que dans Le Festin. Margaret Kennedy manie à nouveau à la perfection la psychologie de ses personnages et les rebondissements de situation pour servir sa satire sociale, mais ce roman m’a paru bien plus triste et désabusé. Il y a beaucoup d’amertume, de regrets et de désirs inassouvis dans ce roman, qui entreprend de présenter l’impact de ce divorce sur les différents personnages concernés : les ex-époux, leurs enfants, leurs parents, leurs amis, et tous ceux qui se sont trouvés mêlés de près ou de loin à cette décision. Chacun en souffrira à sa façon, et chacun devra choisir un camp. Un roman à la thématique pas si désuète, et qui maitrise un ton caustique des premières lignes aux dernières.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions de la Table Ronde, traduit par Adrienne Terrier, 6 avril 2023, 400 pages 

Un commentaire sur “Divorce à l’anglaise – Margaret Kennedy

  1. Je ne connaissais pas cette auteure. J’aime beaucoup découvrir et encourager des femmes écrivaines. Je viens de réserver Le festin à ma bibliothèque!

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