L’été sans retour – Giuseppe Santoliquido

« La vie est un tribunal permanent. Et le plus rude des procureurs, c’est notre imagination, notre capacité à affabuler, à procéder par raccourcis, par supputations. Dieu merci, l’imagination n’est pas toujours secondée par l’intelligence, sinon le malheur des hommes serait encore plus grand. »

Italie, été 2005. Dans ce petit village perdu d’une région montagneuse, où les départs de ceux qui ne parviennent plus à vivre de la terre sonnent le glas d’un monde en déclin, deux événements vont faire basculer pour toujours la vie de notre narrateur, Sandro. Orphelin à quinze ans, il avait été recueilli par les plus proches amis de ses parents, les Serrai : Pasqule, Bianca, et leur fille Lucia. Les liens du coeur remplaçant ceux du sang, ils avaient représenté sa seule famille, et il avait grandi auprès d’eux jusqu’à la fin de ses études d’infirmier, emménageant ensuite dans la maison héritée de ses parents. Ce lien indéfectible va pourtant être irrémédiablement brisé, sans qu’on ne sache tout d’abord la raison d’une telle rupture. Elle sera d’autant plus douloureuse pour Sandro qu’un drame va venir secouer la communauté toute entière. Un dimanche de juin, jour de fête, la jeune Chiara, quinze ans, disparait. Elle est la nièce des Sarrai, la cousine de Lucia, et ils sont anéantis. Sandro, toujours banni, en est réduit à observer leur désespoir de loin, à la télévision comme des millions d’autres Italiens, et il va ainsi raconter, quinze ans après les faits, le déroulé des événements, les questionnements, l’enquête, les rumeurs.

Aucune pensée n’est jamais totalement juste. Totalement pure. Aucun sentiment. Au fond, nous ne sommes qu’ombres et doubles-fonds, qu’écheveaux à débrouiller.

C’est l’histoire d’un drame familial, inspiré d’un fait divers, qui va secouer le pays entier, et illustrer l’affolement médiatique et l’indécence de certains journalistes prêts à toutes les obscénités pour décrocher le scoop. La télévision, par son culte des apparences et de l’urgence, est vilipendée, que ce soit pour ces directs interminables n’épargnant rien aux victimes ou pour ses émissions de télé-réalité séduisant des jeunes crevant d’ennui. Tandis que des hordes de journalistes envahissent les ruelles du village, le tribunal populaire s’est mis en branle, décidé à désigner un coupable au plus vite. Car si ce petit village italien, comme tant d’autres, s’illustre par la solidarité, l’entraide et les valeurs familiales, la noirceur n’est pas loin : rumeurs nauséabondes, jalousies, préjugés, homophobie, xénophobie…

Hantés par leurs secrets, les personnages sont particulièrement bien esquissés, à commencer par Sandro lui-même, mais aussi Serrai, cet homme rude et taiseux ne vivant que pour sa terre, les deux soeurs Bianca, le procureur, ou encore la vieille Tancredi qui nous offre l’un des passages les plus émouvants. Un roman porté par un style envoûtant, remarquablement construit, malgré quelques longueurs, et qui distille son suspense au fur et à mesure.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions Folio, 26  janvier 2023, 320 pages

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