Le tribunal des oiseaux – Agnes Ravatn

Ce petit roman norvégien s’éloigne de ce à quoi nous ont habitués les polars nordiques pour proposer un récit psychologique à la tension sourde dans la droite lignée des écrits de Daphné du Maurier ou Shirley Jackson. Il y a en effet un peu de Rebecca dans ce roman centré autour d’une jeune femme qui a fui sa vie entière pour une maison isolée dans la forêt, au service d’un homme bourru qui semble cacher bien des secrets.

« J’ouvris la porte du jardin, l’air était déjà chaud. Je ne suis rien, me dis-je. Je ne suis rien, je ne possède rien. Une coquille vide. À quoi bon faire des efforts. Je sortis, allai dans la cabane à outils. La honte, la honte. L’image me revenait de plus en plus souvent, elle surgissait dans ma tête malgré moi. »

Allis Hagtorn a tout quitté pour échapper au scandale, dont on apprend la teneur par vagues bribes. Jusqu’alors présentatrice à la télévision elle décide de postuler à un poste d’aide à domicile. En arrivant sur place, elle est frappée par le silence de la forêt, interrompu uniquement par quelques cris d’oiseaux, et par la maison, plongée au coeur d’un fjord désert. Et elle n’est pas au bout de ses surprises lorsqu’elle découvre son employeur, qui n’est pas un vieillard démuni et maladif, mais un homme d’une quarantaine d’années, évasif sur l’absence de sa femme, et qui compte sur Allis pour l’entretien de la maison et du jardin à l’abandon. Le malaise s’installe immédiatement tant cet homme est taciturne, adressant à peine la parole à Allis, cantonnée au rôle de domestique et quelque peu démunie face à ses tâches. À mesure que les semaines se déroulent, Allis s’interroge de plus en plus sur cet homme, sujet aux sautes d’humeur les plus brusques, et qui s’enferme ou disparait pendant des heures sans explications.

Ce huis clos oppressant est particulièrement réussi, servi par une narratrice elle-même instable et au comportement contradictoire. Les splendides descriptions de ce lieu coupé de tout, dans une forêt où tout semble menace, contribue à la sensation d’enfermement et à une angoisse diffuse à mesure que nous suivons ces deux personnages s’installer dans une étrange routine domestique, mêlée d’attirance et de méfiance. Un court roman impossible à lâcher, qui tarde à dévoiler son jeu, jetant la plus parfaite confusion sur le lecteur envoûté par cette atmosphère aussi déroutante qu’inquiétante.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions Actes Sud, traduit par Terje Sinding, 1er février 2023, 240 pages 

3 commentaires sur “Le tribunal des oiseaux – Agnes Ravatn

  1. Merci pour la découverte, peut-être que ça pourrait me plaire en espérant que j’accroche au comportement contradictoire de la narratrice.

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